Banquier. Voilà une profession décidément déraisonnable qui n’arrive pas à se montrer prudente, il faut dire qu’on a, de tout temps, « encensé la puissance du veau d’or » (Faust de Gounod) mais que le siècle présent lui voue un culte particulier dans la mondialisation dont il est la figure emblématique.
Une folie bancaire toujours pas soignée.
Depuis la chute de Lehman Brother (15 septembre 2008) aucune leçon n’a été tirée. Certes, des gardes fous avaient été mis en place car la régulation par le marché avait montré ses limites. Les règles prudentielles existent bel et bien, mais elles sont comme les principes : « Appuyez-vous dessus ils finiront bien par céder ! » (Oscar Wilde qui, soit dit en passant, finit ruiné). Ces garde-fous étaient d’abord que les fonds propres ne fussent pas dépassés à l’excès par les engagements, soit un effet de levier qui ne dépasserait pas un certain multiple de ces fonds propres. C’était l’esprit des Accords de Bâle III en 2010 mais progressivement applicables en…2025. En gros, il s’agissait concrètement de couvrir le risque de solvabilité et le risque de liquidité : la solvabilité d’une banque signifie que ce qu’elle possède (ses actifs) est supérieure à ce qu’elle doit (à ses clients, ses fournisseurs: ce sont ses dettes ou son passif). Et la liquidité d’une banque, c’est sa capacité à pouvoir tous les jours avoir la trésorerie nécessaire pour payer ce qu’elle doit. Par ailleurs, la question était que les activités de marchés fussent séparées des activités de financement de l’économie (le crédit). Il faut reconnaître que François Hollande avait fait voter une loi de séparation de ces activités bancaires pour la France, sauf qu’il y avait une fuite dans le circuit, la plupart des banques étant mondialisées cette contrainte n’existe pas au niveau mondial. Seules 14 banques aux USA sont soumises à l’intégralité des règles de Bâle III, contre des centaines d’établissements pour l’Union européenne.
Faillites en chaîne aux USA
La banque SVB, au cœur de l’écosystème de la Silicon Valley, a lourdement chuté. En quelques heures, une perte de moins de 2 milliards de dollars s’est transformée en une fuite de capitaux de 45 milliards qui a engendré 600 milliards de pertes boursières pour le secteur bancaire. La Signature Bank de New-York, spécialisée dans le financement des cryptomonnaies, elle aussi est en faillite. La liste des faillites à ce jour dépasse la trentaine de banques, les dernières sont Republic first Bancorp, La Heartland Tri-State Bank, et la Pacwest. Même si l’Europe, selon Christine Lagarde, est mieux protégée, la Banque Postale a pourtant échoué aux stress tests de la BCE. Un test de résistance bancaire, ou «stress test», est un exercice consistant à simuler des conditions économiques et financières réputées extrêmes, en réalité souvent artificielles dans ses ratio prudentiels. Et nous avons aussi la faillite de Crédit Suisse, racheté par la banque nationale suisse . Et voilà 16 milliards de francs suisses d’obligations émises par Crédit Suisse, qui n’ont plus aucune valeur ! Pourtant les banques du monde entier ont été contraintes de constituer des réserves pour absorber les chocs du marché, le Crédit Suisse l’avait fait mais cela n’a pas permis d’éviter l’effondrement. Beaucoup de banques allemandes aussi échappent à la réglementation et peuvent être un problème (surtout les banques régionales). Au premier rang la Deutsch Bank, gigantesque machine qui s’affranchit des règles les plus élémentaires de consultation de ses actionnaires. Elle accumule des portefeuilles astronomiques de CDS (Crédit Default Swap), produits d’assurance sur le défaut de paiement, vendus comme actifs financiers et autres actifs douteux, et exposés aux hausses de taux, au travers une multitude de produits dérivés toxiques .
Elément déclencheur ?
Ce qui varie dans les crises, ce n’est pas comment elles se terminent, mais comment elles commencent: cette fois il s’agit peut-être de l’immobilier de bureaux. La filiale américaine du géant de l’immobilier commercial chinois Evergrande a attendu le mois d’août pour se mettre en faillite. Conséquence: elle ne remboursera pas, elle non plus, les banques, souvent américaines mais pas seulement, basées aux Iles Vierges ou à Hong Kong, qui lui ont prêté des milliards pour acheter des immeubles de bureaux et/ou des centres commerciaux. De son côté, le gestionnaire de fonds chinois Zhongzhi a reconnu faire face à un grave souci de trésorerie tout comme le promoteur Country Garden Holdings. » Le Canada est aussi affecté par une crise immobilière qui, pour l’heure, ne s’observe pas en Europe de façon aussi forte. Mais les facteurs sont les mêmes, les salariés, avec le confinement et le télétravail, ont désappris le chemin des bureaux . A la Défense ; ol faut désormais 18 mois au minimum pour retrouver un locataire, quand il en fallait 6 avant la Covid pour les immeubles de bureau. Et les entreprises voient dans la réduction de leur parc une occasion de réduire leur coût face à l’inflation, enfin la hausse des taux joue sur l’investissement.
Beaucoup d’observateurs nous annoncent un krach bancaire Mais en aucun cas, pour ce qui est de la France, l’Etat ne laissera tomber le système bancaire, car, en cas d’effondrement, c’est toute la machine économique qui s’enraillerait et les politiciens sont tenus comme la corde qui soutient le pendu . En effet toute la presse, donc l’opinion, est détenue par la banque. La banque peut dire au ministre des finances : « Vous ne voulez pas nous aider ? Fort bien nous mettons en interdit bancaire 10 millions de clients qui sont en découvert au 8 du mois », c’est l’assurance de Gilets Jaunes à la puissance 10. Problème, l’Etat a déjà usé et abusé du « quoi qu’il en coûte ». Le monde peut-être, mais la France sûrement est dans un piège à comptes.
Olivier Pichon
« Tout le monde » parle de crise, pas d’erreur possible, nous sommes en fin de cycle, la question c’est effectivement le facteur déclencheur : Olivier Pichon nous répond à juste titre crise financière. En effet le progrès technique est tel que la crise économique est peu probable. Reste la guerre.