Octobre

Table d’hôtes : Octobre, notre arrière-saison…

Octobre, comme son nom l’indique est le huitième mois du calendrier romain. C’est celui où les feuilles tombent, le mois des châtaignes, des vendanges et des chouettes, vive la Vendée en armes ! Un cycle qui m’a toujours rendu mélancolique. Quelle est cette langueur qui, comme pour Paul Verlaine, pénètre mon cœur ?

C’est la saison où tout tombe aux coups redoublés des vents, écrivait Lamartine, et des remigrations qui font rêver certains… Voilà l’errante hirondelle qui rase du bout de l’aile l’eau dormante des marais et s’en retourne sous des cieux plus cléments, loin de chez nous, en Afrique ! Commencés en septembre et variant suivant la température et les espèces, les grands départs des oiseaux migrateurs continuent chaque jour. Le jeune coucou, par exemple, s’envole plusieurs semaines après ses parents; bien que ce soit son premier voyage, il ne se trompe jamais de direction et sait exactement quelle distance il doit parcourir. Merveilleuse nature.

Tiens, voilà du boudin… blanc !

Au revoir étourneaux, fauvettes, martinets et grise armée des oies sauvages… Et debout les paras ! On a fêté la saint Michel le 29 septembre, mais c’est un 22 octobre 1797 qu’André-Jacques Garnerin effectua le premier saut en parachute, après une montée en ballon jusqu’à mille mètres au dessus du parc Monceau, où une stèle rappelle toujours son exploit. Tout cela est bien grisant, donne soif et promeut l’appétit ! Le Monceau est un cocktail à base de vodka, de chartreuse verte, de jus de citron vert, de menthe verte, de concombre, de céleri et de Schweppes Indian Tonic. La salade du parc Monceau se fait à base de quinoa cuit, de betterave rouge, de jeunes pousses d’épinards, de coriandre que l’on dresse avec un oeuf poché. Elle me semble un peu tristounette, cette composition…

A moi la légion ! Tiens voilà du boudin blanc pour l’accompagner ! C’est un produit de saison qui réjouit tous les palais, qu’ils soient suisses (mais on pratique plutôt la saucisse de veau dans la Confédération), lorrains ou alsaciens et même belges, soyons beaux joueurs — le boudin blanc de Liège est vraiment excellent, c’est même mon préféré).

L’Alsace, terre de cochonnailles

Bien que Normand et ayant séjourné en toutes les provinces de France, je dois avouer que les Alsaciens sont les plus fortiches question cochonnailles. Il y a, plus qu’une tradition, une culture. Selon Benoît Maugue, médecin de l’hôpital royal de Strasbourg, « la viande fraîche ou salée du cochon faisait la principale nourriture des Alsaciens ». Il existe un nombre considérable de saucisses de gros calibre en la province, utiles le plus souvent pour escorter une raclette (demi-meule valaisanne à l’origine, que l’on racle au fur et à mesure sous la source de chaleur). Saucisse au jambon, saucisse de viande, de Lyon, Mettwurscht, Bierwurscht, gendarmes (toujours vendus par paire) et autre knacks… Le nom de cette saucisse est de fait une onomatopée. On la poche à l’eau assez rapidement, sans l’avoir piquée, on la sort du bouillon, on la casse ou la coupe et le petit bruit qui en résulte fait knack. La famille Dischinger, depuis trois générations propose de belles choses (maison-dischinger.com). Cependant, le plus célèbre de ce blanc culinaire est ardennais et de Rethel plus précisément. Il est composé de viande de porc exclusivement, de lait, d’œuf, et dénué de mie de pain. Pour en avoir goûté, c’est celui que j’aime le moins ! Surtout s’il est accompagné de compote de pommes chaude et escorté de champagne. Le mieux est l’ennemi du bien et les choses simples ont bien du mérite.

Ainsi, les boudins blancs, les moins chers vendus en supermarché, à base de volaille, sans ajout, sans apprêt de champignons ou autres truffes, me semblent souvent les meilleurs. Je les dépiaute avant cuisson. Ils peuvent être cuits au four, au barbecue, à la poêle ou à la grande friture. Palpitants, crépitants et crevant sur le grill, les boudins sifflent mieux que merles en avril, écrivait Paul Harel. Il font merveille, sous la forme de farce ou cuits dans des petits caquelons garnis de sauce au foie gras, à la crème, au pineau des Charentes et aux cèpes (de saison).

Nous avons évoqué les TAP au béret amarante, les képis blancs, n’oublions pas maintenant l’infanterie de marine, en chantant Vive le pinard ! Puisque les vendanges continuent de plus belle en Alsace, vallée de la Loire et du Layon, Guyenne et Gascogne, Bourbonnais et Champagne, Jura, Armagnac, Provence…. C’est toujours plus joyeux que chez les chasseurs dont je suis, et où l’on chante comme au treizième bataillon : Sans pain, sans fricot, au treizième on ne boit que d’ l’eau. Yo tu !

Le temps des choucroutes

C’est aussi le temps des choucroutes ! Le chou alsacien (capitale Chou-ville ou plutôt Krautergersheim) est de plus en plus menacé par la concurrence polonaise. Et puis l’eau a manqué cette année, le prix des engrais augmente sans trêve ni repos, la période est dure dans le grand Ried (qui en ce moment pourtant semble regorger d’eau). J’ai longtemps considéré à tort, que le restaurant « Le Gutenberg », sur la place éponyme de Strasbourg, comme un attrape-touristes. Ma foi on peut y déguster une choucroute de belle qualité, en terrasse, avec vue sur la cathédrale ! Un menu à 26,50 € est composé d’une tarte flambée ou d’une salade mixte au cervelas et à l’emmental, d’un colonel au marc de gewurzt ou d’une charlotte au chocolat. La serveuse est blonde, jeune et gentille, le patron souriant, le traminer se révèle sans prétention tout autant que le pinot gris demeure fiable et sans reproche. Une bonne adresse en somme dans cette capitale (qui me semble avoir doublé de volume en vingt ans) et qui, comme Colmar, est devenue de plus en plus bobo et grouillante de touristes comme d’étudiants bruyants.

Le chou aigre (Sauerkraut) est obtenu par fermentation (dans un pot on met de fines feuilles de choux avec du sel, des baies de genièvre, du cumin, un peu d’eau, on tasse pour éliminer le jus, on maintient la pression avec une grosse pierre et on laisse faire le travail tout seul pendant un mois ou deux). Chez certains taverniers Strossburi, j’ai vu que l’on proposait jusqu’à dix accompagnements de chair cuite ! Waedele (jarreton de porc), Kassler (filet de porc saumuré), boudin noir, Lewerknepfle (quenelle de foie), Schifalla (palette fumée). C’est gérardlarchergantuesque et ce n’est pas raisonnable. Une knack, une saucisse de Montbéliard, une belle tranche de saucisson à l’ail et une épaisse darne de lard pochés sont nécessaires et suffisants. On peut remplacer la montbéliard par de la morteau et le saucisson à l’ail par du cervelas de Thaon-lesVosges, c’est encore meilleur (aufumevosgien.fr). On néglige trop souvent la choucroute en tant que garniture, elle fait pourtant merveille pour accompagner quelques poissons cuits à l’unilatérale, dos de cabillaud, pavé de saumon, sandre (recette du regretté et humble Guy-Pierre Baumann), un magret de canard ou un filet mignon poêlés à la sauce au pinot noir et même au bleu de Gex. Georges Simenon et Robert Courtine nous ont transmis trois recettes de choucroute en rapport avec le commissaire Maigret et son épouse colmarienne (choucroute du pays, choucroute alsacienne et à la parisienne). Caroline Haedens mouille la préparation avec un bouillon de poule de la veille et de vin blanc, sur le conseil précieux de Léon Daudet, très bonne idée !

RTT oblige… En alsacien , ça veut dire (avec l’accent) : Reprends tu tessert ! Nous jetterons notre dévolu sur une tarte aux mirabelles de Lorraine, un fiavon doré (tarte aux brimbelles), une part de tarte Lintz (aux quetsches) ou un gros morceau de ce délicieux gâteau de la Schwarzwald fourré à souhait de chocolat et de cerises du Kaisersthul (son sommet le plus élevé est le Totenkopf…) ou de griottes de Fougerolles.

Franck Nicolle.

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