La Tribune du Dimanche (qui titre Tribune Dimanche), sorte de « quotidien du septième jour » strictement copié sur Le Journal du dimanche (ce dernier étant connu aussi par son acronyme JDD) dont il se veut le concurrent direct, entame sa troisième semaine d’existence, et notamment de présence en kiosque.
Le lancement est réussi, nous annonce sa direction : 70% des numéros mis en vente dans les kiosques parisiens auraient trouvé acheteurs, et un peu moins de 50% en province, ce qui est considéré comme de bons chiffres globaux concernant une presse papier dont la diffusion est en recul constant. Le tirage total (vente France entière, abonnements et services gratuits) de La Tribune Dimanche a été de 120000, pour le premier numéro.
La technique est classique, elle consiste à saturer les points de vente, sachant que l’apparition d’un nouveau titre et l’orchestration de l’évènement suscitent généralement un mouvement de curiosité, qui s’estompe avec le temps. Mais le but est de retenir une part significative de ces premiers acheteurs, et d’opérer ensuite un réglage progressif de la distribution pour que le nombre de journaux mis à la vente se rapproche des ventes potentielles attendues.
Lancé avec l’appui du gouvernement et des pouvoirs publics
Quel est le positionnement de La Tribune dimanche ? Le nouvel hebdomadaire a été lancé par un multimilliardaire macroniste dans le but clairement affiché de combattre « l’extrême droite », incarnée en l’occurrence par le Journal du Dimanche, dont la droitisation était crainte, à gauche et à l’extrême centre, du fait, notamment, de l’arrivée de Geoffroy Lejeune à la direction de la rédaction, de Pascal Praud comme chroniqueur, et de Charlotte d’Ornellas (venue de Présent et de Valeurs actuelles) en tant que journaliste vedette.
Qui sont ses clients ? Il est encore trop tôt pour dire si ce nouveau titre sera en mesure de fidéliser un nombre significatif de lecteurs. Mais la sortie de son premier numéro, le 8 octobre, a bénéficié d’un puissant relais médiatique dans la bobosphère et les innombrables médias du conformisme (par exemple France Inter, France Info, France Culture, TF1, FR3, Arte, BFM, Le Monde, L’Obs, L’Express, les principaux quotidiens de province, sans parler de médias plus militants mais sans lecteurs, tels que Les Inrocks, La Croix ou L’Huma). Son lancement fut présenté en toute modestie comme le combat du camp du bien contre le fascisme.
Le fait que ce journal ait été lancé, avec l’appui du gouvernement et des pouvoirs publics dans leur ensemble, par un multimilliardaire (fortune personnelle estimée à près de 10 milliards d’euros, ce qui le place au 8e rang des milliardaires français, avant Bolloré), le fait que ce multimilliardaire, Saadé, soit déjà propriétaire des quotidiens La Provence et Corse Matin et donc en train de se constituer un petit empire de presse, tout cela a été occulté au profit d’une image fantasmée d’impeccable résistant à la montée du « fascisme ». Et de ce fait on a vu le 8 octobre se précipiter dans les points de vente la fine fleur du militantisme Nupes, Antifa et autres extrémistes de gauche, désireux d’apporter leur soutien au nouvel organe de presse.
Le débat d’entre-soi CGT-CFDT annulé !
Las ! Cette sortie est tombée exactement au moment où les amis islamistes de Mélenchon et des Black Blocs lançaient leur offensive terroriste en direction d’Israël ! Du même coup, la mouvance militante « progressiste » a donc déboursé 2,40 € pour acquérir un journal dont le contenu rédactionnel, pour ce qui concerne les informations « chaudes » était très semblable à celui du JDD.
Ainsi La Tribune Dimanche de ce 15 octobre titre : « Terrorisme. Le retour de la peur » (faisant la part belle à ce « sentiment d’insécurité », habituellement fustigé par la gauche), tandis que Le Journal du dimanche fait sa une sur : « Islamisme, attentats, la barbarie sans fin ». La différence de traitement de l’information n’était pas évidente.
Pire encore, pour le premier numéro de La Tribune Dimanche, il avait été prévu un grand débat entre les deux nouvelles dirigeantes syndicales CGT et CFDT, Sophie Binet et de Marylise Léon, dont les visages auraient dû figurer en « une ». Un sujet qui aurait plu à la gauche comme à l’extrême gauche. Mais l’attaque du Hamas en a décidé autrement. Et l’entretien croisé n’a pas été reporté à la semaine suivante, car il aurait été inconcevable que les deux viragos ne soient pas interrogées sur le terrorisme islamiste. Or l’agression du Hamas divise profondément l’ensemble de la gauche et donc les deux syndicats hyper-politisés.
Au grand dam des militants LFI et Antifas, l’attaque du Hamas est qualifiée dans les deux hebdomadaires de « terroriste ». Dans La Tribune Dimanche on trouve par exemple un entretien avec Gilles Kepel, pertinent spécialiste de l’Islam et du monde arabe contemporain, qui s’exprime aussi régulièrement dans la presse de droite. Kepel étrille LFI et les campagnes contre la prétendue « islamophobie », comme il a eu plus d’une fois l’occasion de le faire dans Valeurs actuelles, classé « d’extrême droite » par la bien-pensance. Marc Lazar, dans le même numéro, s’interroge sur les raisons qui ont conduit l’extrême gauche à devenir pro-islamiste. La Tribune du Dimanche serait donc déjà passée à l’extrême droite, elle aussi ? Dans une parfaite symétrie, Le JDD publie pour sa part une longue tribune de Manuel Valls, ancien premier ministre socialiste, qui rejoint presque mot pour mot l’analyse de Kepel. Le JDD serait retombé dans le socialisme rond-de-cuir d’avant l’arrivée de Geoffrey Lejeune ?
Ou bien est-ce à dire que les deux « hebdos du septième jour » se ressemblent en fait comme deux gouttes d’eau ? Ce serait évidemment aller un peu vite en besogne. Mais il se trouve que l’actualité donne dramatiquement raison aux analyses les plus pessimistes de la droite française. Elles font de Jean-Marie Le Pen, soit dit en passant et comme le rappelait Pascal Praud la semaine dernière sur CNews, un authentique visionnaire, contre toute la classe politique de son temps. Mais ne soyons pas dupes : aux échéances électorales, et sur la plupart des autres sujets, La Tribune Dimanche s’alignera sur le prêt à penser.
La Tribune Dimanche bourrée de pages publicitaires
Sur le plan formel, le JDD compte 48 pages et La Tribune Dimanche 44. Le format du JDD est un tabloïd classique, alors que La Tribune Dimanche parait dans un format nettement plus grand, abandonné de longue date par la plupart des autres journaux, ce qui lui donne un côté un peu ringard. Le JDD est beaucoup plus dense, La Tribune Dimanche est très aérée, comme pour compenser la modestie du contenu rédactionnel.
Mais la principale différence se situe au niveau des volumes publicitaires et de leur nature : Le JDD comporte peu de publicités : Dior, Honda, Renault et quelques autres entreprises privées, outre les annonces pour d’autres titres proches du JDD (Paris-Match, Europe 1…).
La Tribune Dimanche, elle, est bourrée à craquer de pages publicitaires, au détriment du rédactionnel, bien entendu, à une époque où la presse écrite souffre de la chute de ses revenus publicitaires : Total, La Société générale, La Poste, ADP, France Info, Orange, AG2R, la MGEN, EDF, le gouvernement ès qualité, et aussi une pleine page en couleur signée Renaud Muselier, et financée par la région PACA. Autrement dit l’Etat, des collectivités publiques, des entreprises publiques ou travaillant en délégation de service public, des banques, des compagnies d’assurance. Avec un tel portefeuille d’annonceurs en soutien, La Tribune Dimanche peut se passer de lecteurs ! Signalons enfin deux pages en couleur à la gloire du « steak haché pur bœuf Charal 100% muscle ». Voilà qui fera grincer des dents les lecteurs végans. Néanmoins ce sera une bonne raison, pour certains d’entre nous de ne plus jamais acheter de produits de la marque Charal, on ne s’en portera pas plus mal pour autant !
François Solchaga
