Sitôt rentré du Proche-Orient et en partance pour le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, notre président a tout de même trouvé le temps de se poser quelques heures dans la France profonde. Plus précisément dans l’Aisne.
En effet, comme Pompidou avait eu son Centre Beaubourg, Giscard son musée d’Orsay (mais son nom n’apparaît guère dans l’ancienne gare magnifiquement recyclée), Mitterrand son Arche de la Défense, sa Pyramide du Louvre et son Opéra-Bastille, et enfin Chirac son musée des Arts premiers quai Branly, l’actuel Élyséen veut lui aussi laisser son empreinte architecturale. Voici qui est fait avec l’inauguration le 30 septembre de la Cité internationale de la langue française et de la francophonie, sise dans le château de Villers-Cotterêts, restauré après quatre ans de travaux menés sous l’égide de l’énarque Philippe Bélaval, le conseiller culture de l’Elysée (1).
L’inauguration de ce « Château-Macron » a fait grincer bien des dents à gauche, et pas seulement à cause du cout de la réhabilitation, soit 210 millions d’euros alors qu’on aurait pu loger avec ce pactole des nuées de mal-logés, de préférence migrants. Les uns reprochent en effet au chef de l’État ses faiblesses pour la monarchie (n’avait-il pas choisi le Louvre pour fêter sa première élection en 2017?) et les autres critiquent, tel un plumitif de Libération, la fleur ainsi faite à une « ville triste », en outre tenue par un maire, Franck Briffaut, élu depuis 2014 sous les couleurs du Front national et taxé d’« immobilisme ». Pensez donc ! Il patronne actuellement une expo sur d’Artagnan et pas sur le Che.
Macron grand diseur mais petit faiseur
Mais c’est un passage de l’allocution présidentielle qui a suscité la plus violente polémique, surtout de la part des suffragettes Sandrine Rousseau et Clémentine Autain. Le Sénat devant étudier le même lundi une proposition de loi visant à « protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive », Emmanuel Macron a souligné que « la force de la syntaxe de la langue française est de ne pas céder aux airs du temps », et rappelé que dans notre langue, « le masculin fait le neutre » : « On n’a pas besoin de rajouter des points ou des tirets au milieu des mots pour la rendre lisible. »
Bien vu mais pourquoi le président — en cette matière comme en tant d’autres « grand diseur mais petit faiseur », comme disait Jean-Marie Le Pen à propos d’un autre président — tolère-t-il dès lors que dans les ministères, l’administration et l’Éducation nationale, le grotesque inclusif s’impose de plus en plus malgré les SOS des enseignants et des orthophonistes devant les difficultés insurmontables de cet « air du temps » pour beaucoup d’élèves et même d’adultes ? Après tout, personne n’a jamais exigé qu’on applique le masculin pour sentinelle ou estafette, rôles dévolus à de solides gaillards qui trouveraient ridicule de se faire appeler estafets ou sentinels sous prétexte de virilisme.
Claude Lorne
- M. Belaval serait très féru de patrimoine. Ne pourrait-il s’intéresser au dentellier calaisien Desseilles, placé en redressement judiciaire le 31 octobre par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer, sept ans après sa reprise par un groupe chinois ? Car ce ne sont pas seulement 87 emplois qui sont en jeu mais aussi un savoir-faire séculaire, renommé dans le monde entier. La dentelle ornant la robe arborée par l’actuelle princesse de Galles lors de son mariage venait ainsi de Calais.