Béraud

La chronique de Madeleine Cruz : Béraud, Brigneau et moi…

Longtemps j’ai cru qu’Henri Béraud n’existait pas. Certes ma tante Mathilde évoquait souvent cet écrivain. Quant à mon grand-oncle, François Brigneau, il prétendait l’avoir croisé, à Fresnes, en 1944. Je ne demandais qu’à les croire l’un et l’autre, mais je n’ai jamais vu un livre de Béraud ou sur Béraud à la vitrine d’une librairie. Et jusqu’à une date récente, je n’avais jamais rencontré quelqu’un ayant lu Béraud. Question de génération, peut-être ?

Un jour, dans le quotidien maçonnique et régional-socialiste « La Nouvelle République » (que tout le monde chez moi appelle « La Nouvelle Répugnante »), j’ai lu un compte-rendu de film ou de documentaire, sur la IIIe République, qui expliquait que Béraud avait été fusillé à la Libération. Il avait donc existé, mais il était mort il y a bien longtemps, dans des conditions terribles.

Or j’ai reçu récemment, en service de presse, une rafale d’ouvrages signés d’Henri Béraud : des rééditions, mais aussi des textes inédits. Permettez-moi de vous en dresser une liste, loin d’être exhaustive : Ce que j’ai vu à Moscou (une réédition chez Auda Isarn), Le crime du lundi de Pâques (un inédit, toujours chez Auda Isarn), TF677. Journal de prison (un quasi-inédit, chez Déterna), La petite place (un inédit chez Dutan) etc. Quant à la revue littéraire Livr’arbitres (où officie notre cher Xavier Eman, qui assure à la fois la rédaction en chef du site du « Nouveau Présent » et la direction de rédaction de Livr’arbitres), elle a fait deux fois sa une avec Béraud. Son dossier de mars 2020 (n° 29 de la revue) était spécialement réussi, et nous avons eu toute la durée du confinement pour le savourer ! Il y avait notamment d’excellents textes de Patrice Mongondry, Aristide Leucate, Michel Lhomme, Marc Laudelout, que je relis tout en rédigeant la présente chronique. Le mois dernier, encore, j’ai reçu Le Nœud au mouchoir, quasiment un inédit de Béraud, car ce livre, paru en 1944, ne fut pratiquement pas diffusé, si ce n’est les « grands papiers », les exemplaires de tête, que Béraud offrit à ses amis.

C’est à cette occasion que j’ai découvert que Béraud, qui fut certes enterré vivant en 1944, en quelque sorte, n’était pas mort à cette date, contrairement à ce qu’affirmait « La Nouvelle Répugnante », et qu’il rédigea par la suite des romans policiers (écrits en prison) et surtout ses mémoires, qui sont un pur chef d’oeuvre. « L’annonce de ma mort est grandement exagérée », avait protesté Mark Twain en lisant sa chronique nécrologique publiée par erreur par une agence de presse en 1897. Béraud aurait donc pu en dire autant, de 1944 à 1958.

Le nœud au mouchoir est un recueil de textes, remis en forme, qui avaient été publiés entre 1940 et 1943 dans les pages de l’hebdomadaire Gringoire. Je trouve que le style s’apparente beaucoup à celui de mon grand-oncle Brigneau. C’est une première délicieuse surprise.

Mais surtout l’époque de Béraud offre d’étranges analogies avec celle d’aujourd’hui : la planète divisée en deux camps, un camp du bien et un camp du mal, mais en fait des arguments recevables, des deux côtés, du moins pour le volet géopolitique de cette division planétaire. Et comme à l’époque, il y a l’ombre des pires totalitarismes, qui font leur miel de ces tensions : Staline, hier, puis Hitler, les islamistes, aujourd’hui, le wokisme, les mondialistes. Et toujours le communisme.

Tout cela créait et crée aussi, aujourd’hui, des alliances de circonstance. Et comme hier, il nous est difficile de cerner ce qui est le mieux pour la France. On comprend aussi les grands zigzags chez les intellectuels de l’époque comme chez ceux d’aujourd’hui. Et l’on découvre la montée des violences, dans les mots et dans la rue, comme aujourd’hui.

En lisant Béraud, je me suis dit que le monde d’aujourd’hui ne nous change guère du monde d’hier ! Mais le parallèle est passionnant…et terrifiant à la fois. Ce Nœud au mouchoir est une lecture que je vous recommande. C’est un grand livre, et d’une brûlante actualité, sur ce plan. Alain Paucard, sur Radio Courtoisie, en faisait grand cas, la semaine dernière. Il avait raison.

Madeleine Cruz

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *