Depuis la semaine dernière, les medias et autres réseaux de communication débordent d’informations concernant le déplacement au Yémen du conflit qui oppose Israël au Hamas dans la Bande de Gaza.
Les Etats-Unis et le Royaume Uni, soutenus par le Canada, les Pays Bas, l’Allemagne, le Danemark, la Nouvelle Zélande, la Corée du Sud, l’Australie et le Bahreïn, ont mené dans la nuit de jeudi à vendredi 73 frappes qui ont causé la mort de 5 combattants dans les rangs des rebelles chiites Houthis et en blessant 6 autres. Ces derniers ont pris le contrôle d’un bon tiers du Yémen depuis le coup d’Etat de 2012 qui a renversé le Président Ali Abdallah Saleh et qui s’oppose violemment depuis 2017 au president élu Abd Rabbu Mansour Hadi, prenant en otage une population civile prise entre l’enclume et le marteau des antagonistes locaux, sans compter le blocus commercial établi par l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes unis qui refusent de voir se développer un Hezbollah yéménite à leurs frontières. Leurs attaques répétées depuis novembre, en gage de solidarité avec le Hamas, contre des navires de commerce en Mer Rouge, ont poussé la plupart des armateurs à éviter le couloir stratégique de la mer Rouge, au prix d’une hausse des coûts de fret et des temps de transport entre l’Europe et l’Asie, sachant que le trafic maritime dans cette zone représente 12 % du commerce mondial.
Des frappes à la légitimité contestée par l’Iran et la Russie
Les frappes américano-britanniques ont visé des sites militaires dans la capitale Sanaa, ainsi que dans les gouvernorats de Hodeïda, Taïz, Hajjah et Saada. Il n’est pas inintéressant de souligner que le narratif des medias de gauche parle du « bombardement du Yémen » plutôt que de « frappes contre des infrastructures militaires rebelles », tout comme le Kremlin qui condamne des frappes « illégitimes du point de vue du droit international », ou encore l’Iran qui a fustigé vendredi les frappes américaines et britanniques, y voyant une « action arbitraire » et une « violation flagrante de la souveraineté » du Yémen, ce qui ne manque pas de piquant de la part des mollahs qui mènent toutes leurs batailles par proxys interposés depuis des pays colonisés de facto par les Gardiens de la Révolution ! Dans la foulée, le vice-ministre des Affaires étrangères du gouvernement rebelle a déploré « une attaque massive par des navires américains et britanniques, des sous-marins et des avions ». « Les États-Unis et le Royaume-Uni doivent se préparer à payer un prix fort et supporter les lourdes conséquences de cette agression », a-t-il menacé. La Chine, dont les exportations sont concernées au premier chef par la déstabilisation de la Mer Rouge, s’est montrée plus nuancée et a exhorté « les parties concernées à faire preuve de retenue, afin d’éviter une expansion du conflit ».
Protéger les routes commerciales
Du coté occidental- on ne joue pas avec les routes commerciales et les Houthis vont rapidement s’en rendre compte- Biden s’est montré clair : « Ces frappes ciblées sont un message clair indiquant que les États-Unis et nos partenaires ne toléreront pas les attaques sur nos troupes et ne permettront pas à des acteurs hostiles de mettre en danger la liberté de navigation », suivi par le premier ministre britannique, Rishi Sunak, qui a qualifié les frappes de « mesures limitées, nécessaires et proportionnées en état de légitime défense ». Enfin, le patron de l’ONU, Antonio Gutteres, a demandé vendredi à «toutes les parties» d’éviter «l’escalade» dans « l’intérêt de la paix et de la stabilité en mer Rouge et dans l’ensemble de la région», comme si le fait de laisser proliférer des mouvements islamo-terroristes dans l’espoir de ne pas faire de vagues était une garantie de paix et de stabilité…
Dans la même veine, on constate que l’Italie, l’Espagne et la France se sont abstenus de participer ou même de signer le manifeste international de soutien aux frappes occidentales en Mer Rouge. Plutôt que de déchiffrer cette attitude avec une grille de lecture à caractère « humaniste », on doit craindre ici une des premières manifestations géopolitiques de la « libanisation » de ces pays européens noyés sous des vagues migratoires à majorité musulmane et que cette « retenue » ne soit rien d’autre qu’une peur bleue des réactions de leurs nouveaux habitants.
Enfin, d’un point de vue purement commercial, la première conséquence de cette déstabilisation sécuritaire de la Mer Rouge a été l’augmentation immédiate du cours du pétrole brut, au moins 9 superpétroliers ayant dû se dérouter pour éviter la zone de conflit ces dernières 48 heures. Les constructeurs automobiles Tesla et Volvo, dont les pièces sont fabriquées par le chinois Geely, ont dû suspendre leurs chaines de production et d’assemblage en Allemagne et en Belgique à cause des retards de livraison annoncés.
Sophie Akl-Chedid