S’il y a une réputation surfaite concernant Boulogne, c’est bien en matière de mœurs. Pas plus de travestis dans le patelin que de beurre dans les nuages, comme écrivait Ferdinand dans un de ses voyages. Pour ça, faudra attendre, comme à Dunkerque, eul’ carnaval. Les géants Batisse et Zabelle constituent les figures emblématiques de la ville. Ils représentent un pêcheur et son épouse vêtue de son costume traditionnel boulonnais avec sa coiffe caractéristique appelée du même nom que la publication de L’Œuvre Française, Le Soleil.
Il ne faut pas désespérer Billancourt, certes, mais il ne faut pas se décourager de Boulogne. Quand on arrive en ville, on pleure un peu dans la brume et autant en repartant par grand soleil… comme dans l’Nord si proche par les us et coutumes, les « gueules » et l’argot, la gouaille populacière, enracinés jusqu’au trognon des petites gens natifs de Flandre, d’Artois, du Hainaut, de Picardie, du Pays de Caux et d’l’a bonne ville d’à Rouen (pays des armor’queurs) et dont je n’ai jamais réussi à me débarrasser, Dieu merci !
Une rumeur incessante, un bruit de fond, une activité dans le port, de nuit comme de jour, quelque soit la saison et le temps qu’il fait et qui passe. Des bruits de chariots élévateurs et de moteurs, de camions, de bateaux, de voitures automobiles… Des avertissements de marche-arrière, des sifflets dans le couloir maritime, des transports de pêche. Un chantier magnifique ! L’activité portuaire commence et se termine nuitamment. Et pour cause, Boulogne-sur-Mer est l’unique place européenne qui réunit sur un même site tous les corps de métiers liés à la filière Produits de la Mer : pêche, agents de bateaux, armement, viviers, mareyage, découpe, salaison maritime, conserverie, réparation et construction navales, etc. C’est aussi le premier port de pêche français, à la fois artisanal (on peut s’approvisionner sur le quai directement le matin en maquereaux, en harengs, en lieus noirs ou en coquilles Saint-Jacques) et industriel. La flottille (et le marteau) est très diversifiée et compte près de 150 bateaux.
Le long de l’embouchure qui mène à la plage, il y a des ribambelles d’enfants qui passent, des tout-petits se tenant par la main en riant aux éclats, des groupes qui vont visiter le parc Nausicaa (aquarium et centre national de la mer où l’on entend braire des phoques depuis la promenade) et d’autres qui s’en vont pratiquer sur la plage le char à voile, la course en sac, le tir à la corde. Et des plus grands qui rejoignent leur fac sur les docks. Sous l’édifice de l’Université du Littoral, les affiches de l’Action Française sont lacérées mais visibles. Salut à vous, militants !
Un sifflet dans les corridors / Un œil qui s’ouvre à notre porte / Un chariot qui repart encor / Un chaudron que l’on nous apporte / Semblent bruits qui montent d’un port /, Signaux d’un train ou d’une escorte… Voilà toute l’ambiance locale, comme un poème de Fresnes… Les ports ne sont-ils pas en quelque sorte aussi une prison ?
Antoine de Tounens, roi d’Araucanie et de Patagonie, régnait dans son imaginaire sur la péninsule d’Argentine et du Chili, tandis que Boulogne-sur-Mer arbore un ici et là des drapeaux d’Amérique du Sud. C’est ici que termina sa vie José Francisco de San Martín y Matorras. Un des héros des indépendances sud-américaines avec Simon Bolivar, Antonio José de Sucre (ne pas confondre avec le fondateur de La Falange Española Tradicionalista y de las Juntas de Ofensiva Nacional Sindicalista). Sur le front de mer, une statue massive et intrigante commémore sa présence et son souvenir. Vous passerez devant s’ baraque (Casa San Martin), en grimpant le raidillon, pour vous rendre dans la vieille ville close, encore chargée de toutes les guerres de jadis. Elle est dominée par le clocher rond et singulier de la basilique Notre-Dame de l’Immaculée Conception. C’est un endroit cerclé de remparts et de tours que l’on dirait élaguées (comme celles de la forteresse d’Angers) où l’on trouvera son compte d’excursions et pour s’y restaurer le midi. Des mouettes ricaneuses et des goélands dodus semblent resgner en maistres des rues, des trottoirs, des poubelles. Ils empêchent la circulation, par corps ! Et personne ne dit rien ? Les conducteurs attendent sans trop s’impatienter, comme des automobilistes suisses au seuil d’un passage clouté.
Les pyramides m’ont toujours intrigué. C’est pas le genre de chef-d’œuvres qui manque ici, de toutes sortes, des obélisques, des cartouches, des hiéroglyphes et un « Nil boulonnais » qui plus est ! Sur la place Mariette, en bas des contreforts ! « Songez, soldats du haut de ces pyramides, quarante siècles d’histoire vous contemplent. » Napoléon 1er est venu ici souvent, avec en vue d’envahir l’Angleterre, établissant ses plans et construisant ses campements d’envergure. Une colonne de la Grande Armée, une stèle de la légion d’honneur, rappellent ici et là le souvenir de l’empereur.
Une fois dans sa vie, il faut dormir dans un port… Mais pourquoi se contenter d’une simple chambre d’hôtel comme on en trouve partout, petite, parfois vétuste, souvent sans joie ? Il vaut mieux profiter pour son séjour avec vue… d’une bonne chambre d’Ehpad ! Je recommande la résidence hôtelière ZENAO, Appart’ Hôtel « La rose des Vents ». 6, quai de la République. Les loges sont spacieuses en vue d’être médicalisés, les voisins calmes et sous traitement. Les matelas neufs de première bourre, le coin cuisine bien équipé. Vous pourrez faire votre frichti tranquille sans vous focaliser sur l’heure. On trouve dans les supermarchés des conserves de poulet au maroilles et des plats de garde-à-vue micro-ondables corrects, (penser à placer une bouteille de blanc au frigo, dès la remise des clés). Le soir après le dîner, vous regarderez depuis votre balcon, passer les bonnes gens dans le soleil couchant. C’est beau, une ville la nuit comme écrivait l’acteur Bohringer; celle-ci ne semble dormir jamais et l’éclairage est clignotant dans le port, tandis que l’eau frappe au barrage. Par arrêté municipal, peut-être, les mouettes si nombreuses se taisent à 21h 20 très précise. On peut dormir fenêtre ouverte de 21h 20 à environ 5h 30.
Je ne saurais trop vous conseiller de réserver votre séjour pour le 15 août prochain. C’est la fête de Marie, tous les travailleurs de la mer honorent la mère de Jésus. Grande procession pieuse et spectaculaire, bénédiction de bateaux et fête de la mer. Quand j’étais enfant, nous y allions toujours à Villers-sur-Mer ; c’était pour ma petite sœur et moi, accompagnés des parents et des grands-parents, comme une promenade nocturne. Nous tenions des cierges (pour une fois qu’on pouvait jouer avec le feu) protégés par des paravents en papier sur lesquels étaient écrits les cantiques (qui finissaient par brûler sous le vent). A tantôt, et comme disait Brigneau : « Aie confiance en Dieu, mais garde tes biscuits au sec! »
Franck Nicolle
Cher Franck Nicolle, que dit votre expertise culinaire du welsh ? Nous en avons dégusté un délicieux, à Wimereux, face à une mer alors déchainée.
Il se trouve qu’il y a peu j’ai en effet passé quelques jours à Boulogne-sur-Mer, Wimille, et jusqu’au cap Gris-Nez. Un superbe terrain de jeu pour la 40e aventure du « Clan des Bordesoule » !
Mais je n’ai pas eu le plaisir de vous y croiser.
Ah, le venteux cap Gris-Nez de mon enfance ! Heureux que Francis l’ait goûté avec l’ami Laurent.