Voilà ce que l’on apprend encore aux enfants des écoles des campagnes lorraines aujourd’hui. Et c’est mon jeune ami Julien le boulanger qui m’a enseigné la comptine qu’il apprendra bientôt à son fils : « Ô grand saint Nicolas, patron des écoliers, Apporte-moi des pommes / Dans mon petit panier / Je serai toujours sage / Comme une petite image / J’apprendrai mes leçons / Pour avoir des bonbons. Venez, venez, saint Nicolas, Venez, venez, saint Nicolas, Venez, venez, saint Nicolas, et tra la la… »
Chrétien qui s’ignore, il n’en demeure pas moins pas très catholique. Je le mis en garde sur le sujet de l’inversion des valeurs au hasard d’une discussion pratiquée en latin de cuisine. Sceptique comme une fosse, têtu comme un Vosgien, il me rétorquait pétrissant sa poolish : « Mais Franck, chacun voit midi à sa porte, alors c’est quoi les valeurs ? » J’ai répondu que les valeurs, la valeur, littéralement c’était un truc qui vaut quelque chose comme la vérité, tandis que le mensonge ne vaut rien. J’ai répondu que les valeurs étaient universelles (c’est-à-dire reconnues en tous lieux et en tous temps) comme l’amour qui réussit à dompter la haine, la beauté inscrite en porte à faux de la monstruosité du baphomet, la confiance de l’amitié, le sourire des tout-petits, la candeur de la parole donnée, le pardon aux cons et aux ignares (vaste chantier), l’agréable contact des animaux (je n’oublie pas que mon saint patron est saint François d’Assise, l’ami des bêtes) et les béatitudes… toutes ces choses saines et simples comme bonjour et comme cette chanson enfantine : Venez, venez, saint Nicolas,Venez, venez, saint Nicolas, et tra la la…
Retour en Lotharingie
Nous serons bientôt dans l’Avent et ma foi je ne vois pas d’autre endroit, pas d’autre porte d’accès à l’Espérance que celle de la porte de la Craffe, protégeant la capitale historique de la Lotharingie, Lorraine toute acquise et protégée par saint Nicolas de Myre, comme la Suisse peut l’être par saint Nicolas de Flue (chanté par Pierre Dudan, l’incorruptible comme disait son ami Georges Brassens). Quand on parle de Nancy, on pense selon son tempérament et sa culture aux bergamotes, aux mirabelles, aux macarons apparus en 1793 pendant la persécution, ou bien à la bataille de Nancy qui vit s’opposer le 5 janvier 1477, l’armée du duc de Lorraine René II à celle du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui perdra la bataille, la guerre et la vie.
Les touristes de passage n’ont d’yeux pourtant que pour la relativement récente » Place Stan », royale, emblématique, immense et blanche, décorée de grilles en fer forgé dorées et de fontaines baroques du XVIIIème siècle. C’est sans nul doute le cœur de la cité, avec tout à coté le palais du gouverneur, des rues pleines de monde. Des jeunes, des poivre-et-sel manucurés demi-mondains et bien mis et des vieux barbons s’y affairent, vêtus et chaussés avec recherche comme des marchands cossus. Madame promène son chien sur les remparts de Varsovie chantait le grand Jacques Brel. Ici, madame promène à cheval ses états d’âmes et ses lubies parmi les ruelles pavées et fournies de magasins de fringues de marque, de traiteurs, de salons de thé, de pâtisseries, de chocolatiers… La providence a fait que je me suis retrouvé devant la vitrine de la pâtisserie Alain Batt, 34 rue Saint-Georges. Bien m’en a pris d’avoir succombé à la tentation. On y trouve de ces douceurs sucrées qui valent plus qu’un détour, le voyage… Cube de brioche feuilletée au guanaja, demi-lune de pâte à croissant garnie de crème pistache, des merveilles vendues à prix démocratique (2, 80 € la pièce).
Les gourmands pourront se régaler encor’ de friandises sur le chemin qui mène à la gare SNCF en s’arrêtant à la biscuiterie « Au Duché de Lorraine » qui fait face à un restaurant mythique s’appelant « L’Excelsior » au cadre battis art déco et art nouveau . Le cadre vaut tout, le contenant est aussi bon et beau que le contenu chez l’un comme chez l’autre et les prix mesurés et constants tandis que les fidèles amis d’Henri Béraud trouveront leur souper gras dans cette institution nancéenne qui s’appelait « Le capucin gourmand », raccourcie tristeusement en « Capu ». C’est encore et toujours une belle adresse qui propose une carte, cohérente avec des produits d’exception pour ceux qui ont de quoi (foie gras à 34 € en entrée, soupe à 18 €, fricassée de champignons et oeuf prétendument parfait à 26 €, c’est presque exagéré et nous n’évoquons que les entrées). Aussi les moyenâgeux, les contemplatifs, les capucins dans l’âme (donc ceux qui suivent les règle de saint François d’Assise, encore lui) se trouveront remplis de sérénité, de jeûne, de calme au son miséricordieux, mélodieux et mystique des cloches bénites et des dalles sonores de l’église Saint-François des Cordeliers, chapelle ducale et nécropole de la famille de Lorraine.
En 1482, c’est dire si nous parlons de la bien longue histoire, au lendemain de sa victoire face aux Bourguignons, le duc rené II de Lorraine fonde le premier sanctuaire. En 1487, l’église est consacrée. En 1737 François III, dernier duc de Lorraine quitte Nancy pour Florence, puis Vienne. Devenu François 1er, empereur du Saint-Empire romain germanique, il finance la restauration de la chapelle ducale qui sera profanée en 1793. En 1826, les restes de la famille de Lorraine sont réinstallés dans la crypte. Le lieu mériterait d’être mis plus en valeur, il faudrait une volonté… Mais avec un maire tel que celui-là, Mathieu Klein, quelle tête de Klein, porte-parole d’Anne Hidalgo, candidate à l’élection présidentielle de 2022… Qu’est ce que voulez-vous faner avec des râteaux pareils ?
Le vieux quartier est piétonnier, c’était jadis pourtant toute la cité fortifiée de Nanciacum, sise entre deux marais de la Meurthe et l’étang saint Jean. Pour se loger c’est facile, les hôtels abondent et les Airbnb de même, mais pour se garer c’est bien pénible (il faut télécharger je ne sais quelle application, un calvaire). Quant à vous, quand vous serez dans la place, suivez Mars ou l’amour ou le prince (ou plutôt le roi Stanislas Leszczynski et la reine de France Marie Leszczyńska), allez, venez, accourez en province… Et chantez donc, avant de vous rendre à la messe nuiteuse et populaire de Saint-Nicolas de Port (vous en souvenez-vous chers militants, Chard, Francis Bergeron, Jean-Marie Cuny, Martial Bild, Thierry Gourlot et toute son équipe passée du FN au CNIP, comme naguère JMLP du CNIP au FN).
« Ô grand saint Nicolas, patron des écoliers, Apporte-moi des pommes / Dans mon petit panier / Je serai toujours sage / Comme une petite image / J’apprendrai mes leçons / Pour avoir des bonbons. Venez, venez, saint Nicolas, Venez, venez, saint Nicolas,Venez, venez, saint Nicolas, et tra la la… »
Franck Nicolle et Julien Lyard