Céline

Les lectures de Madeleine Cruz : Céline et Henri-Robert Petit

Dans un récent article paru sur le site du Nouveau Présent, j’évoquais quelques associations d’amis d’écrivains, et fort imprudemment j’avais soutenu que Céline, s’il avait beaucoup de lecteurs, beaucoup d’exégètes, et donc beaucoup d’admirateurs, ne semblait pas avoir eu beaucoup d’amis. Or il se trouve que la très docte Société des Lecteurs de Céline publie comme elle le fait chaque année, une précieuse petite plaquette consacrée aux liens qui ont existé entre Céline et le dénommé Henri-Robert Petit. Ces liens étaient suffisamment forts pour que Céline s’adresse à H.-R. Petit en l’appelant familièrement son « Petit pote ». Plus fort encore : quand le « Petit pote » en question demande à le voir, Céline lui répond immédiatement de façon positive, alors même qu’il explique qu’il hait les visites ! Les deux hommes paraissaient intimes, à lire leur correspondance.

Les proches de Céline s’inquiétaient de cette proximité entre les deux hommes et avec l’hebdomadaire antisémite Au Pilori, dont Petit était le directeur, journal que Jean Luchaire qualifiait d’« organe de provocation et de chantage » , dont Rebatet soulignait « les dénonciations d’épiciers » et les « ragots imbéciles » rapportés par certains lecteurs, et que Cousteau désignait comme un « méprisable journal de chantage ». Cousteau estimait d’ailleurs que Céline galvaudait ainsi ses idées en les exposant « sous certain pavillon » abritant habituellement « une assez sale marchandise ».

Cette question des liens entre Céline et Petit n’est évidemment pas d’une importance capitale, mais comme rien de ce qui concerne Céline ne laisse indifférents les céliniens, célinistes et autres spécialistes de l’œuvre du géant de Meudon, la plaquette, rédigée par Marc Laudelout, consacrée au « petit Céline d’Argenteuil », qui n’a été tirée qu’à 250 exemplaires, numérotés, intéressera sans doute un public beaucoup plus large.

Je note aussi que Marc Laudelout rencontra H.-R. Petit en 1984. Il avait alors 85 ans, et mourut l’année suivante.

Tout cela est à la fois vain et passionnant : la petite histoire et la grande littérature. La condition humaine, en fait.

Madeleine Cruz

Le petit Céline d’Argenteuil. Rencontre avec Henri-Robert Petit, par Marc Laudelout, Société des Lecteurs de Céline, décembre 2024, 36 p., réservé aux membres de la SLC, G.Silmo 47 av. du président-Wilson A2, , 94340 Joinville-le-Pont

Un commentaire

  1. Devant les critiques de ses amis, Céline précise à Lucien Combelle dès décembre 1941 à propos d’un article du Pilori : «Qu’ai-je à faire avec la morale de Lestandi ? Je considère son journal comme une colonne Morice (sic) où je colle une lettre ! […] Ce monde de la presse est un cloaque. Y fouillerais-je ? Je m’en fous énormément. Je le prend comme il est – avec une pincette suffisamment visible. »

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