Il était le survivant d’une génération d’éditeurs français qu’il vient malheureusement de rejoindre… à deux jours de ses 85 ans ! En 2022, Philippe Randa a publié aux éditions Synthèse « Jean Picollec l’atypique », livre dans lequel il retrace sa carrière exceptionnelle dans le monde de l’édition : Jean Picollec n’aura jamais renié ses engagements politiques de jeunesse, tout en cultivant des amitiés de tout bord politique.
Nous reproduisons ci-après l’entretien de Philippe Randa avec Guirec Sèvres lors de sa parution.
« Philippe Randa nous fait découvrir un personnage hors du commun. Figurez-vous que sans jamais renier des convictions politiques tant haïes de la République des Lettres,cet éditeur a publié auteurs politiquement incorrects et personnalités politiques souvent sulfureuses (d’André Castelot à Jacques Vergès, de Jean Bothorel à Roland Jacquard, de Jean Markale à Olier Mordrel, de François Duprat et Roland Gaucher à Bernard Lugan) sans crainte de la “Bien-Pensance”. »
Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de ce livre d’entretiens avec l’éditeur Jean Picollec ?
Je reprends votre question : qui a eu le premier l’idée de ce livre, l’éditeur Roland Hélie ou moi ? Plus vraisemblablement, nous avons eu l’idée en même temps, alors que nous devisions sur l’édition en générale et nos éditions en particulier… On fait rarement les choses par hasard et l’évidence s’est imposée à nous : l’exemple de Jean Picollec n’a pas été pour rien dans nos aventures éditoriales respectives…
C’est-à-dire ?
Nous revendiquons, Roland et moi, la même indépendance d’esprit vis-à-vis des modes littéraires et du politiquement correct ; l’exemple de notre aîné de vingt ans et plus dans la partie, nous a forcément beaucoup inspiré. C’est quelqu’un qui a édité des gens de tous horizons politiques, parfois très opposés (voire anciens ennemis) au seul motif que leurs écrits – témoignages, récits, enquêtes – servaient l’histoire, la politique, la culture… ou même le divertissement.
De plus, Jean Picollec, « modérement » de gauche, a été politiquement engagé dans sa jeunesse…
Oui, il a été membre du bureau politique d’Ordre nouveau et il n’a jamais renié cet engagement. Ce qui n’a pas empêché sa maison d’édition d’être présente dans la quasi-totalité des salons du livres organisés en France et à l’étranger et jusqu’en Israël, tous frais payés par l’État français qui ne trouvait pas, cette année-là, d’autre éditeur français assez courageux pour y représenter notre pays. Pour Jean Picollec, qui a été l’ami et éditeur, notamment de François Duprat, c’était assez… atypique, non ? Comme d’en revenir avec un contrat pour publier Freddy Eytan, premier ambassadeur israélien dans un pays musulman… Ça, c’est tout Jean Picollec !
Au-delà de l’atypisme du personnage, quel intérêt les lecteurs vont-ils retirer de votre livre ?
La saga éditoriale de Jean Picollec, c’est quarante ans des grands événements politiques, culturels, économiques de la France et des grands pays du Monde, des grandes affaires politico-criminelles (les assassinats de Jean de Broglie ou d’Henri Curiel, etc.), mais également des portraits parfois intimes, parfois incroyables de personnalités aussi variées que les écrivains et journalistes Yann Queffelec, Jean-Edern Hallier, Pierre Péan, Maurice Bardèche, Alain de Benoist ou Patrick Poivre d’Arvor, les hommes politiques Patrick Devedjian, Claude Goasgen et bien sûr Jean-Marie Le Pen et des grandes figures de la Bretagne, d’Olier Mordrel à Jean Markale en passant par la famille Bolloré dont il est un intime… La liste de tous les personnages qu’il a fréquentés ou sur lesquels il a publié est évidemment trop importante pour les citer tous… Qu’on sache seulement qu’il a été le premier éditeur à s’intéresser à Oussama Ben, ce qui lui permit de publier le premier livre sur le fondateur des réseaux Al-Qaïda le mois suivant les quatre terribles attentats-suicides aux États-Unis Laden le 11 septembre 2001. Le livre fut, évidemment, un best-seller traduit en 29 langues.
Jean Picollec l’atypique, éditions Synthèse, 256 pages, avec de très nombreuses illustrations, 2022.
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C’est avec beaucoup de peine que j’ai appris par le Nouveau Présent la mort de l’éditeur mais toujours militant Jean Picollec, homme libre qui chérissait la mer, aussi courageux que fidèle : à ses amis politiques comme à sa patrie bretonne — qu’il avait sans succès tenté de réveiller avec l’inclassable pamphlétaire Jean-Edern Hallier qui rêvait de « réconcilier Thorez et Doriot » mais périt en 1997 dans un invraisemblable accident de vélo alors qu’il s’apprêtait à révéler un scandale de la Mitterrandie. Presque aveugle et très faible depuis plusieurs années, Picollec ne manquait pourtant jamais un rendez-vous national. Kenavo, Yann !