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Marie Renard et ceux qui l’ont peinte

Marie Renard, ce nom ne vous dira sans doute rien. Elle fut, nous raconte l’auteur de Marie Renard. La femme modèle, un modèle que s’arrachaient les peintres de la fin du XIXe siècle. Son visage, sa silhouette, vous diront alors peut-être quelque chose, puisque son portrait figure désormais et à jamais dans les musées et dans les ouvrages consacrés à Degas, Helleu, Berthe Morisot et des dizaines d’autres grandes figures de la peinture française de cet âge d’or.

Car elle fut le « phénix des modèles », me précise Michèle Dassas, l’auteur de cette biographie, certes romancée, mais très bien documentée.

Michèle Dassas a un vrai savoir-faire dans ce domaine car on lui doit un ouvrage du même genre sur Jeanne Baudot, qui fut la muse, l’amie et la complice de Renoir, pendant 26 ans.

Le film tout récent de Cédric Klapisch La venue de l’avenir semble un peu inspiré de l’histoire de Marie Renard. Vous avez sans doute entendu parler de ce film car il fait un beau carton en ce moment. Il raconte l’histoire d’une petite provinciale assez fruste, une Normande de la région du Havre, qui monte à Paris à la fin du XIXe siècle. Sur le bateau qui remonte la Seine elle fait la connaissance d’un jeune photographe et d’un jeune peintre pour qui elle acceptera de poser.

Mais c’est aussi l’histoire parallèle d’une famille d’aujourd’hui qui, après les recherches de notaires et de généalogistes, est identifiée comme héritière d’une maison perdue dans la campagne normande, fermée depuis la dernière guerre. Quatre cousins, délégués par la famille – ou plus exactement les familles – viennent faire l’inventaire de ce qu’il y a dans la maison. Des photos, des lettres, et un certain tableau vont leur révéler qu’habitait là, au XIXe siècle leur ancêtre à tous, prénommée Adèle, qui fut donc cette jeune Normande montée à Paris, devenue l’égérie du jeune peintre, qui n’était autre que … Monet. Le tableau poussiéreux trouvé dans la maison oubliée est un Monet.

Le film est plein d’invraisemblances : Victor Hugo fait la cour à Adèle. La famille se dispute et se réconcilie à propos du tableau. Ce qui nuit en outre au film, c’est que l’héroïne, Adèle, est jouée par Suzanne Lindon, qui a des traits assez masculins et ingrats, alors que, comme nous le rappelle l’excellent préfacier du livre sur Marie Renoir, les peintres de la Belle Epoque, les impressionnistes, cherchaient plutôt des modèles vaporeux. De ce point de vue, la peinture qui illustre la couverture du livre de Michèle Dassas est très bien choisie. On y voit une jeune femme – c’est Marie Renard, précisément – vêtue d’une longue robe bleu clair, la taille étroitement serrée par un large ruban. Le visage de la jeune femme est un peu dissimulé par un chapeau, mais il parait très moderne, alors que nous étions plutôt à l’époque des femmes bien en chair aux beaux bras blancs et potelés.

C’est le peintre Jacques-Emile Blanche qui avait réalisé ce portrait, élément d’un « ambitieux projet de quatre panneaux dont rien n’atteste qu’il fut mené à son terme et dont ceux exécutés furent au moins partiellement détruits par l’artiste », selon le préfacier Stéphane Jacques Addade. Jacques-Emile Blanche était un éternel insatisfait, qui n’hésitait pas, comme Paul Helleu, à brûler les tableaux qu’il estimait ratés

Visage interchangeable et inexpressif

Il est amusant de noter que Jacques-Emile Blanche privilégiait disait-il des modèles au visage interchangeable et inexpressif. Je ne vois pas ainsi Michèle Renard, en tout cas pas sur cette peinture dont il est donc l’auteur. Je trouve un petit air mutin à cette jeune femme, que Michèle Dassas nous décrit d’ailleurs comme « élancée à la crinière d’un blond roux, négligemment relevé en chignon ». Le chignon ne se porte plus guère, aujourd’hui, et c’est bien dommage !

Une chose est sure : la vie de Marie Renard racontée par Michèle Dassas, et le film de Klapisch nous donnent furieusement envie de retourner au Musée d’Orsay, car l’un comme l’autre nous racontent formidablement bien la France d’avant 1914, le bouillonnement culturel et artistique de cette période.

Francis Bergeron

Marie Renard. La femme modèle, par Michèle Dassas, préface de Stéphane-Jacques Addade, Ramsay, 2025

La venue de l’avenir, film de Cédric Klapisch, sorti en mai 2025 pour le festival de Cannes.

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