Alors que la dictature algérienne, qui dirige d’une main de fer nos anciens départements d’Algérie, vient de décréter la criminalisation de la colonisation française, histoire de nous racketter une fois de plus, parait une réédition du monumental ouvrage de Bernard Faÿ : L’aventure coloniale.
Paru pour la première fois en 1962 à la Librairie Académique Perrin, ce qui est en principe un gage de sérieux, l’ouvrage n’avait pas eu, à l’époque, l’accueil qu’il méritait, me semble-t-il. Le texte était tassé sur plusieurs centaines de pages, sans respirations. Les archives de Bernard Faÿ – qui sont conservées précieusement par la famille – ou celles de l’éditeur Perrin – pourraient dire dans quelles conditions ce maître livre a été publié mais on croit pouvoir deviner qu’une telle parution, au pire moment du largage insensé et criminel des terres françaises d’Algérie, a posé des problèmes d’ordre commercial à l’éditeur. L’histoire de la colonisation française n’avait plus bonne presse. Il fallait oublier au plus vite tout cela, et tenter de rétablir une image glorieuse de la France, pour lui conserver sa place dans le monde et son siège à l’ONU, avec le Concorde, le paquebot France, la DS, le plan calcul et la force de dissuasion nucléaire. Autre temps, autres mœurs… D’autant qu’à part les armes nucléaires -ce qui, certes, compte encore – il ne reste rien de ces ambitions de substitution.
Lié par un contrat avec l’auteur, la maison Perrin semble avoir réalisé une sorte de pensum éditorial destiné à respecter les termes dudit contrat. Sans plus.
C’est d’autant plus dommage que Bernard Faÿ fut un historien et un pédagogue exceptionnel.
Son étude était brillante. Elle traitait de toute la période ayant précédé ce que nous, nous couvrons habituellement du vocable d’ « épopée coloniale » ou d’ « aventure coloniale ». Bernard Faÿ ne nous parle guère de la conquête de l’Algérie (à partir de 1830) ni de celle de Madagascar (années 1880 et 1890). Il se place à la genèse du processus, sous Louis XV, Louis XVI, l’Empire.
Mais en 1962, alors que l’aventure coloniale s’achevait par le fiasco gaulliste, et dans le sang de nos meilleurs patriotes (Degueldre, Piegts, Dovecar, Bastien-Thiry, Jean de Brem etc. La liste est longue), un travail d’historien sur la colonisation, deux siècles plus tôt, de l’Amérique, puis sa décolonisation, sur la concurrence entre Anglais, Espagnols, Français, et…Américains, n’intéressait sans doute guère.
Il fallait tourner ces pages le plus vite possible, surtout ne pas regarder en arrière, oublier les sacrifices consentis pour un aussi désastreux résultat. En tout cas cette Aventure coloniale de Bernard Faÿ ne fut, semble-t-il, guère diffusée et lue, malgré sa pertinence et son sérieux. C’est bien dommage car il s’agit d’une étude absolument remarquable.
On ne peut donc que se réjouir de voir ce travail de très grande qualité aujourd’hui réédité, et cette fois dans un format qui en permet une lecture agréable : en deux tomes, avec quelques illustrations, et surtout des couvertures attrayantes, certes peu en rapport direct avec le texte de Faÿ, mais qui ont le mérite de parler à notre nostalgie. D’ailleurs ces couvertures ont aussi l’avantage de transformer en quelque sorte cette rigoureuse étude historique en un (double) ouvrage susceptible de constituer un superbe cadeau de Noël ou de Nouvel An, permettant ainsi de joindre l’agréable à l’utile, au sérieux.
L’un des meilleurs connaisseurs du XVIIIe siècle
Bernard Faÿ fut un immense « dixhuitièmiste », – autrement dit l’un des meilleurs connaisseurs du XVIIIe siècle -. Il n’est donc pas étonnant que L’aventure coloniale qu’il nous raconte fasse la part belle à la politique menée par Louis XV, par Choiseul, par Louis XVI, par Turgot, Vergennes, Sartines, pour s’achever sur l’écroulement du rêve napoléonien d’empire colonial. Ce fut le premier bradage. Mais nous n’avions encore rien vu.
De Bernard Faÿ nous racontant l’effacement de la France sur le continent américain à Macron accusant son propre pays de crime contre l’humanité, et encourageant l’immigration de peuplement, les derniers siècles établissent un étonnant parallèle entre la fin de notre empire et, par exemple, l’effondrement de l’empire ottoman au tournant du XXe siècle. Ce qui n’est guère rassurant.
Il n’empêche que le travail de Bernard Faÿ est absolument passionnant de bout en bout. Et même si cette lecture ne va pas contribuer à nous remonter le moral, elle nous confortera dans la justesse de l’analyse des patriotes français d’aujourd’hui et l’erreur criminelle de ceux qui dirigent actuellement notre pays. Car si l’Histoire ne repasse pas les plats, elle aide à appréhender ce qui se passe actuellement, et ce qui va se passer demain.
Francis Bergeron
L’aventure coloniale, par Bernard Faÿ
Tome 1 La conquête des Amériques, de l’Océan indien et de l’Afrique, NCP éditeur, 248 pages, 2025, 33€.
Tome 2 La fin des illusions impériales, NCP éditeur, 282 pages, 2025, 35€








