La Société des Lecteurs de Céline (SLC) est de création très récente. Elle s’est constituée à la suite de bisbilles difficilement compréhensibles pour le profane, comme seul le monde des céliniens sait en susciter. Le président de cette SLC n’est autre que le cher Christian Mouquet, que certains de nos aînés ont côtoyé, au siècle précédent, plus précisément dans les années 70 et 80, du côté d’Assas.
Tonton Brigneau en parlait avec une certaine affection. Moi-même j’ai rencontré Christian Mouquet, plus tard, dans la boutique du XVe arrondissement qu’il tenais : petite fille, mon cher grand-oncle m’y entraînait pour m’acheter des albums Aggie, et des Sylvain et Sylvette. Le baroudeur s’était en effet reconverti dans le commerce de bandes dessinées.
Voilà que je le retrouve aujourd’hui à la tête de cette savante association littéraire consacrée à l’écrivain Céline. Quel curieux cheminement !
Je constate que l’ami Mouquet ne traite pas ses adhérents par-dessus la jambe. Sa jeune association vient en effet de publier une luxueuse plaquette à caractère à la fois littéraire et bibliophilique (papier bouffant ivoire, tirage limité aux adhérents, soit 250 exemplaires, numérotés et signés), sur l’univers célinien. Ce précieux document (un vrai placement, par les temps qui courent !) reproduit, sous le titre « Merci bien, Monsieur Céline ! », une critique littéraire érudite de Guignol’s Band, roman de Céline publié en 1944. Guignol’s band est parfois considéré comme un roman mineur dans l’œuvre de Céline. Dans l’ambiance assez chaude du printemps 1944, l’accueil de l’ouvrage avait été très mitigé, y compris dans le camp collaborationniste, comme le raconte Christian Mouquet, dans la même plaquette. La critique publiée par la SLC, était parue il y a donc près de 80 ans, dans le journal hebdomadaire Révolution nationale, signée du journaliste et aventurier Jean Fontenoy. Sa réédition dans le cadre de cette plaquette, est précédée d’une longue préface de Philippe Vilgier, docteur en sciences politiques et biographe de Jean Fontenoy.
Vilgier nous rappelle qui était Fontenoy, et nous raconte ses liens avec Céline. C’est une publication qui va secouer le Landernau célinien, car autant le célébrissime auteur du Voyage au bout de la nuit a désormais sa place (éminente) dans le monde littéraire, malgré ses pamphlets, autant Fontenoy, mort à Berlin sous l’uniforme allemand face aux bolcheviques, reste absolument sulfureux. J’aurais cependant adoré connaitre ce garçon, qui était aussi un grand amoureux. Les rares photos de lui nous montrent le visage énergique et décidé d’un homme figé désormais dans une éternelle jeunesse.
Il faut bien faire de la publicité pour les copains, aussi je profite de cet article sur Céline pour signaler que le dernier Bulletin célinien qu’anime mensuellement Marc Laudelout depuis 42 ans, traite notamment de l’accueil fait à l’inédit La volonté du roi Krogold, paru au printemps, et des rapports – parfois tumultueux – entre Céline et le peintre Gen Paul.
Avec un extrême retard, je signale aussi La cavale du Dr Destouches, une remarquable BD. Le texte est de l’acteur Christophe Malavoy, et les dessins des frères Brizzi. Un chef d’œuvre, paru en 2015, mais qui était passé sous le radar de mes lectures.
Madeleine Cruz
Merci bien, Monsieur Céline !, par Jean Fontenoy, avant-propos de Philippe Vilgier, Société des Lecteurs de Céline, 2023. Tirage limité aux adhérents de la Société des lecteurs de Céline.
Le Bulletin célinien, dirigé par Marc Laudelout, BP 42003 59011 Lille Cédex. Sur abonnement uniquement.
La cavale du Dr Destouches, par Christophe Malavoy et Paul et Gaëtan Brizzi, Futuropolis, 2015.