Armes

Armes à sous-munitions : l’hypocrisie du camp du Bien

Alléluia ! « Les fêtes populaires ont pu se dérouler normalement partout en France et nous constatons une baisse des dégradations par rapport à 2022 », se congratulait Gérald Darmanin vendredi matin en se réjouissant que la nuit précédente ait été « dans l’ensemble relativement calme pour un 13 juillet », avec seulement « 218 véhicules incendiés, contre 326 en 2022, soit une baisse de 33 % », et 3 policiers blessés lors de « 23 usages d’artifices contre les forces de l’ordre », contre 34 en 2022. Mais à quel prix puisque 45 000 policiers et gendarmes avaient été — et restaient — sur le pied de guerre ! Une mobilisation qui ne pourra pas s’éterniser.

Le silence de Macron

Ce que sait très bien Emmanuel Macron qui, au contraire de son ministre de l’Intérieur, est resté coi en ce jour de fête nationale, rompant avec la tradition élyséenne des interviews retransmises à la télévision, et qu’il semblait pourtant tellement apprécier. Redoutait-il cette fois d’être interrogé sur le désolant bilan des presque « cent jours » qu’il s’était accordés après la crise des retraites et à l’issue desquels on allait voir ce qu’on allait voir ? Sur ses hésitations à remanier un gouvernement traînant comme des boulets Pap Ndiaye et Marlène Schiappa, sans parler de ce sparadrap qu’est Elisabeth Borne, indéboulonnable en tant que descendante de victimes de la Shoah, femme et peut-être lesbienne si l’on en croit sa biographe (non autorisée) Bérengère Bonte ?

Sans doute aussi le chef de l’État n’avait-il pas envie de s’exprimer sur le sommet otanesque de Vilnius, dont il revenait à peine, et où le camp du Bien, dont il est l’un des fleurons, a fait triste figure.

Employées par l’US Army au Cambodge notamment, où elles avaient semé la désolation, les armes à sous-munitions avaient été décriées par la France et tous les membres européens de l’OTAN et finalement interdites en 2008 par la convention d’Oslo en 2008 en raison de leur extrême dangerosité pour les êtres vivants comme pour l’environnement puisque le nombre de sous-munitions qui, lors de l’explosion, se dispersent sur une certaine surface et explosent instantanément quand l’on marche dessus, peut aller de quelques dizaines à plus de 600.

Les membres de l’OTAN snobés et humiliés

Or, juste avant son départ pour l’Europe, Joe Biden avait annoncé une livraison massive à Kiev de ces engins de mort car il ne pouvait « accepter que les Ukrainiens manquent de munitions ». D’autant, ajoutait-il, que « le gouvernement ukrainien nous a donné des assurances écrites sur l’utilisation responsable de ces armes, notamment qu’il ne les utilisera pas dans des zones urbaines peuplées de civils. Et qu’il notera les endroits où il utilise ces armes, ce qui simplifiera les efforts de déminage ultérieurs ». Des promesses qui n’engagent que ceux qui veulent y croire.

S’il a pris « cette décision difficile » après une « recommandation unanime » de son administration, le président états-unien n’avait pas cru devoir consulter ni même informer ses alliés de l’OTAN, réduits à une simple chambre d’enregistrement des Diktats de Washington. Seul a osé protester — timidement — Rishi Sunak, Premier ministre (d’origine indienne) de Grande-Bretagne, où Biden faisait sa première étape vers l’Europe pour une première entrevue, paraît-il très froide, avec Charles III, mais l’Élysée s’est abstenu de tout reproche. De même d’ailleurs que nos sourcilleuses « élites ». Il est vrai que celles-ci ont attendu l’agression russe de 2022 et la présence au pouvoir à Kiev de Volodymyr Zelensky pour enfin admettre, et condamner, le crime contre l’humanité par excellence que fut de 1931 à 1935 l’Holodomor. Soit l’extermination par la famine de six millions d’Ukrainiens sous l’égide de Staline et de son chargé de mission Lazare Moisseievitch Kaganovitch, que le remords ne devait pas étouffer puisqu’il s’éteignit paisiblement en 1991, quasi centenaire, dans son confortable appartement de fonction moscovite.

Des SCALP pour Kiev : vers la cobelligérance ?

Mais le pardon si aisément accordé à l’URSS ne saurait être octroyé à la Russie et les doux pacifistes d’hier se sont mués en bellicistes enragés. Les mêmes qui estiment exorbitant le coût de la nouvelle Loi de préparation militaire française (+ 40% par rapport à la précédente LMP, sous Hollande) et flétrissent la vente à l’Inde du « nationaliste et raciste » Narendra Modi de 26 avions de chasse Rafale, en version Marine pour porte-avions, et de trois sous-marins Scorpène dont la Nouvelle-Delhi possède déjà six exemplaires, exigent en revanche la livraison de toujours plus d’armements à l’Ukraine.

Non content d’avoir ainsi fourni gratos à ce pays trente canons Caesar (coût unitaire : 5 millions d’euros), Emmanuel Macron a livré le 11 juillet à Kiev un « nombre significatif » — on parle de 150 — de missiles SCALP (coût unitaire : 850 000 euros), car, a-t-il précisé,« compte tenu de la situation et de la contre-offensive qui est menée par l’Ukraine, j’ai pris la décision d’accroître les livraisons d’armes et d’équipements aux Ukrainiens, conformément aux engagements que nous avons pris avec eux ».

Or, ces « engagements » présentés comme quasi humanitaires nous engagent aussi militairement comme cobelligérants puisque, missile de croisière lancé depuis un avion de chasse, le SCALP est qui, capable d’atteindre une cible en profondeur et d’éviter les dommages collatéraux, permet de frapper jusqu’à 500 kilomètres, et donc au-delà de la ligne de front. Ce qui, si ces « bijoux technologiques » touchent le territoire russe, nous placera en position de belligérance comme l’a immédiatement déploré Marine Le Pen en accusant Emmanuel Macron d’avoir « fait le choix de l’escalade » , alors que « la France doit se limiter à la livraison d’armes défensives, agir comme puissance de médiation, et tout mettre en œuvre pour qu’une conférence de paix intervienne au plus vite ».

Pourquoi Israël a peur des mafias ukrainiennes

Alors, pourquoi ne pas imiter d’Israël la réserve prudente malgré les objurgations véhémentes de Zelensky pressant son coreligionnaire Benjamin Netanyahou d’agir ? Mais le Premier ministre de l’État hébreu temporise. Compte tenu d’une part de l’existence en Russie d’une communauté juive encore importante, et d’autre part, de ses excellentes relations avec Vladimir Poutine. Et surtout, s’il venait à donner des armes, il redoute que celles-ci ne se retrouvent aux mains de l’Iran. « Aucun risque, a protesté le 6 juillet Mykhailo Podolyak, conseiller du chef de cabinet du président ukrainien sur i24NEWS, la chaîne d’actualité du tycoon Patrick Drahi émettant de Jaffa. Tout ce qui concerne les armes lourdes est documenté et contrôlé. Il n’y a donc aucun risque que l’Iran reçoive quelque chose qui soit fabriqué en Israël et transféré en Ukraine, un solide système de surveillance a été mis en place».

Toutefois, « Bibi » renâcle. Aussitôt livrés, deux des Caesar français n’avaient-ils pas disparu pour être proposés à 200 000 euros chacun sur le Dark Net, le réseau internet clandestin où les mafias, particulièrement actives en Ukraine, font leur bizness ?

Espérons qu’il n’en ira pas de même pour les SCALP ou les bombes à sous-munitions que pourrait s’offrir un nouveau Ben Laden anxieux d’équiper une résurgence d’Al Qaïda… 

Camille Galic

(2 commentaires)

  1. Jeune officier de l’Aéronavale, j’eus l’honneur de participer quatre fois sur les Champs Elysées au défilé du 14-Juillet, en 1955 à pied, puis, après 1965, trois fois à 360 nœuds en Crusader…
    La démonstration de force (5 000 hommes déployés) que nous venons de voir à la télévision m’a fait penser au défilé de 1939, presque un an après les accords de Munich que Daladier avait signés avec Chamberlain, Hitler et Mussolini. Ce défilé fut magnifique. Hitler n’avait qu’à bien se tenir !
    Le 10 mai suivant, on sait ce qui arriva.

  2. Tiens, Présent découvre que des armes françaises vont tuer (des Slaves, militaires et civils.)
    C’est une première dans ce nouveau Présent que de dire un mot sur cette guerre ! Bravo Camille, j’espère que vous ne serez pas virée pour cela… Madiran est fier de vous.

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