violences policières

Scandale d’État… et grâces d’état

Si notre président qui, de Nouvelle-Calédonie et sur fond de drapeaux français, européen mais aussi canaque, s’adressait lundi pour la première fois depuis les émeutes de l’Aïd à ses compatriotes, apparut aussi crispé, c’est sans doute qu’il s’attendait à être interrogé sur le « scandale d’État » condamné depuis deux jours par la gauche, le Syndicat de la Magistrature et toutes les associations dites représentatives. A savoir le « blanc-seing » donné aux auteurs de violences policières par deux hiérarques de la profession.

Prendre « garde à la colère des légions »

D’abord le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, qui avait déclaré le 22 juillet au Parisien « comprendre l’émotion, et même la colère, qu’a pu susciter dans les rangs policiers le placement en détention de l’un des leurs », et avouait même « ne plus dormir » depuis la mise en détention préventive d’un fonctionnaire de la BAC soupçonné d’avoir participé au tabassage le 2 juillet du jeune Beur Hedi, agnelet dont on se demande ce qu’il faisait en pleine nuit en plein cœur d’une émeute (1). Et M. Veaux d’ajouter : « De façon générale, je considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail. J’exclus de mon propos les affaires qui concernent la probité ou l’honnêteté. Mais lorsqu’un policier est dans l’exercice de sa mission, on doit admettre qu’il peut commettre des erreurs d’appréciation. Le policier doit rendre compte de son action, y compris devant la justice, mais on doit aussi tenir compte des garanties dont il bénéficie et qui le distinguent des malfaiteurs ou des voyous. ».

Propos aussitôt approuvé sur son compte Twitter par Laurent Nuñez, actuel préfet de Police de Paris, qui, disant « partager l’opinion » de Frédéric Veaux — et surtout son inquiétude quant à la contagion des « congés maladie » massivement pris par les policiers méridionaux en soutien à leur collègue incarcéré — disait sa fierté « d’avoir été préfet de Police des Bouches-du-Rhône et aujourd’hui à la tête des 30 000 policiers de Paris et de l’agglomération parisienne », les « indécentes » réactions de ces deux hautes personnalités étant reprises sans commentaires sur le site Twitter du ministère de l’Intérieur.

De la part de la Place Beauvau, y a-t-il eu négligence et manque de vigilance ou volonté de mettre le chef de l’État devant ses responsabilités ?

Nous l’écrivions le 24 juillet à propos du remaniement : Gérald Darmanin qui, devant l’impopularité d’Elisabeth Borne, guignait Matignon, n’aurait pas digéré le maintien en place de l’ancienne collaboratrice d’Anne Hidalgo. De là à supposer qu’il aurait volontairement mis dans une situation impossible Emmanuel Macron, auquel il doit tout, il y a toutefois un abîme.

Le spectre de Jeux Olympiques ratés

En fait, les deux hommes sont piégés depuis la crise des retraites, qui les a obligés à déployer un impressionnant dispositif de sécurité, alors qu’une délinquance record et les sabotages multipliés par les écoloterroristes mobilisaient aussi les forces de l’ordre, qui se disaient déjà épuisées. Pour faire face aux émeutes de l’Aïd, il a fallu déployer 45 000 gendarmes et policiers — dont 900 ont été blessés. Alors que le recrutement se révèle de plus en plus aléatoire, les jeunes renâclant à s’engager dans la carrière en raison de conditions de travail harassantes (non-paiement et surtout non-récupération des innombrables heures supplémentaires), des bas salaires compte tenu des dangers encourus et surtout du discrédit dont pâtit la profession, le Pouvoir ne peut se mettre à dos celle-ci en maintenant en détention un fonctionnaire jusque-là exemplaire, soutenu par ses collègues et tous les syndicats. Surtout à moins d’un an maintenant des Jeux Olympiques, que tant d’événements, en commençant par un embrasement des « cités » et une recrudescence démentielle de la criminalité profitant de l’arrivée de massive de touristes, risquent de compromettre.

Une stupéfiante décision judiciaire

D’où l’embarras visible de Macron, rappelant certes que « nul n’est en République au-dessus de la loi » mais soulignant la nécessité de « l’ordre, l’ordre, l’ordre » et prononçant un vibrant éloge de ceux qui l’assurent, à leurs risques et périls.

Reste à savoir si cela suffira à calmer la rogne et la grogne des intéressés. Dans l’article sur Hedi, le Nouveau Présent signalait qu’à Nice, le 20 juillet, « un jeune habitant du très exotique quartier niçois de l’Ariane, pris en chasse après avoir volé une grosse berline, percutait volontairement la modeste Peugeot 208 de la BAC et blessait grièvement un policier ». Finalement interpellé, Wassim était placé en garde à vue pour tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique. Mais, volte-face deux jours plus, son crime était requalifié en simple délit de refus d’obtempérer et violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique. Étant donné, précise Nice-Matin, qu’il est « le soutien de sa mère handicapée de qui il s’occupe » — quand, du moins, il ne se livre pas aux joies du rodéo au volant d’une voiture volée.

Certes, il ne doit pas y avoir de grâce d’état pour les auteurs de violences policières. Mais il ne devrait pas y en avoir non plus pour les exotiques malfrats qui les agressent, et la décision prise par les magistrats niçois ne va sans doute pas contribuer à apaiser des esprits surchauffés.

Camille Galic

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