Dans ses « pages littéraires » de fin de semaine, le quotidien Présent (1982-2022) offrait une chronique régulière qui s’intitulait « la chine nationaliste », pour devenir ensuite « le chineur français » après une interruption de quelques années. Cette chronique s’adressait et s’adresse toujours aux collectionneurs, aux « chineurs » du dimanche.
La collection de cartes postales a eu son âge d’or au début du XXe siècle. C’est une époque où les gens s’écrivaient beaucoup, bien entendu. Et la carte postale était le moyen pratique et rapide (la Poste marchait bien, dans ce temps-là, et les trains arrivaient à l’heure !) de donner de brèves nouvelles à ses proches. Puis, concurrencée par le téléphone, la carte postale a connu une longue éclipse, jusque dans les années 1980 où la baisse des coûts d’impression et la mode vintage l’ont ressuscitée. Elle régresse à nouveau, aujourd’hui, parce que les E-mails, infiniment moins coûteux et infiniment plus rapide, lui ont ôté l‘essentiel de son intérêt. Mais, comme le timbre, dans le petit monde des collectionneurs la carte postale conserve un fort noyau d’amateurs. La revue Cartes postales magazine en témoigne.
Un lecteur nous signale, dans la dernière livraison de cette revue, un intéressant dossier sur les polémiques des années 1900 entre « cartophiles » (collectionneurs de cartes postales) et revues d’échanges de cartes, à propos des évènements politiques ou sociaux de l’époque. Il était courant d’exprimer ses opinions par la carte postale, et l’affaire Dreyfus, qui a divisé nos arrière-grands-parents, avait donné lieu à une abondante production : plus de trois cents cartes différentes, nous dit Vincent Demarcke, l’auteur de ce riche dossier.
Les dreyfusards lisaient La Carte postale illustrée, du dénommé Emile Straus, tandis que les antidreyfusards étaient abonnés à la Revue Illustrée de la Carte Postale (RICP), de Georges Goury. Dans le camp du « traitre Dreyfus » (comme écrivaient les journaux de ce temps, y compris et d’abord les journaux républicains), officiait l’illustrateur Couturier, très habile à caricaturer les nationalistes, comme on le voit sur cette carte postale de la série « Histoire d’un crime. Les apôtres du mensonge », où l’on reconnait Barrès, Déroulède, Arthur Meyer (d’origine juive, converti au catholicisme), Coppée, Lemaitre, Rochefort etc. Le quotidien dreyfusard L’Aurore écrit en 1899, à propos des cartes postales de Couturier : « C’est l’innovation du pamphlet-carte, qui sera demain le sport postal de l’univers ».
L’affaire Dreyfus en cartes postales
Couturier mourut à 34 ans, ce qui était bien jeune, même pour l’époque. S’il avait vécu plus longtemps, peut-être serait-il devenu antidreyfusard, comme plusieurs parmi les plus prestigieux de ses confrères (Hermann-Paul, par exemple), et à rebours de la classe politique.
En 1903, fut publié un ouvrage pour les collectionneurs de cartes, que tous les passionnés de l’histoire politique sous la IIIe République rêveraient sans doute de posséder : L’Affaire Dreyfus, catalogue descriptif des cartes postales illustrée françaises et étrangères parues depuis 1894, par Xavier Granoux. S’ils en trouvent un jour un exemplaire, voilà un ouvrage que Philippe Randa ou Roland Hélie seraient bien avisés de rééditer.
Agathon
Cartes postales magazine, BP 29, 64390 Sauveterre-de-Béarn,
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