Depuis son investiture en 2017, nous savons tous qu’Emmanuel Macron aime jouer avec les gens, avec les mots, avec les symboles, avec les concepts et nous savons surtout qu’il pratique l’art du double jeu. Ainsi, après avoir ouvert grandes les portes de l’Elysée au grand rabbin Korsia qui allumait la bougie de Hanoukha au cœur même du pouvoir, il prenait son bâton de pèlerin de Compostelle et montait à l’assaut de Notre-Dame, histoire de se mettre bien avec le Pape François et les catholiques, quelques semaines avant Noel .
L’art de la destruction
Après avoir prêché pour un abandon de la flèche de Viollet -le-Duc partie dans les flammes de l’incendie et avoir fait machine arrière tant les protestations étaient vives, Macron a tenu à faire une apparition au sommet de la nouvelle flèche identique à la précédente. Il a longuement évoqué un « moment important et émouvant » ainsi que « l’avance extraordinaire de ce chantier qui paraissait impossible » et rendu un hommage mérité au Général Georgelin, disparu dans une course en montagne l’été dernier. Continuant sa visite du chantier, il s’est ensuite rendu dans la nef et dans le chœur de la cathédrale. Il a profité de ce moment pour annoncer avec le culot qui le caractérise que les vitraux de Viollet-le-Duc qui étaient sortis miraculeusement indemnes de l’incendie, seraient déposés et prendraient le chemin du Musée de l’Oeuvre de Notre-Dame, prochainement créé. A leur place ? Un concours qui permettrait aux artistes de mettre leur pâte dans ce joyau afin de « marquer ainsi le XXIe siècle » et à Macron, sous le mandat duquel la cathédrale a pris feu, d’associer une seconde fois son nom au monument remis à la mode par Victor Hugo.
Mensonge et vanité
Il justifie un choix fait sans respecter aucune des procédures normales de décision et prétend que Mgr Ulrich, archevêque de Paris lui aurait envoyé une bafouille demandant des vitraux contemporains. En réalité, s’il y a bien une lettre du prélat demandant l’installation de nouveaux vitraux, ce dernier aurait envoyé la missive à la demande expresse d’un certain……Macron. Et le tour est joué !
Il en remet une couche en disant que la proposition de vitraux contemporains avait été présentée aux commissions compétentes l’été dernier. Rien n’est plus faux puisqu’au mois de juillet, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture n’a jamais évoqué cette question. Elle avait été tranchée en son temps par Roselyne Bachelot qui souhaitait une conservation des vitraux en grisaille de Viollet-le-Duc.
Ces derniers constituent, selon celui qui a ressuscité la cathédrale de Paris comme le souhaitait d’ailleurs Prosper Mérimée, « une disposition conforme à ce qui existait avant la destruction des verrières en 1758….. il sera facile d’arriver à un ensemble complet et harmonieux ». Pari gagné si l’on en juge par l’équilibre lumineux qu’ils constituent. Non content de ne pas avoir voulu poursuivre les fouilles qui ont permis de trouver plus de la moitié des sculptures du jubé du XIIIe siècle détruit au XVIIIe siècle, le Président de la République pratique également une sorte de vandalisme programmé qui contribue à l’effacement de nos valeurs les plus essentielles. Des valeurs que Sylvain Tesson résume dans cette formule « Et si l’effondrement de la flèche était la suite logique de ce que nous faisons subir à l’Histoire ? L’oubli, le ricanement, la certitude de nous-même, l’emballement, l’hybris, le fétichisme de l’avenir et … un jour, les cendres »
Le cynisme de Borne
A peine Macron avait-il tourné les talons, content d’avoir apposé sa marque de fabrique qui s’appelle destruction, qu’Elisabeth Borne, non contente de faire la chasse à tout ce qui, de près ou de loin, s’apparente à la tradition, refusait que l’établissement public en charge de la reconstruction de Notre-Dame récupère les 170 millions d’euros de TVA des 850 millions d’euros de dons récoltés pour les travaux. Certes les établissements publics ne sont pas autorisés à récupérer la TVA mais il aurait fallu rendre ce dernier éligible au fonds de compensation de la TVA, ce que se sont bien évités de faire Bercy et la Ministère de la Culture, pour le plus grand plaisir d’Elisabeth Borne. Il faut se rappeler, en effet, que l’Etat n’a pas mis un kopeck dans le chantier colossal de la cathédrale qui faillit partir en fumée à cause de son impéritie et de ses négligences en matière de sécurité et de surveillance. De son côté, Anne Hidalgo a plus de chance s’agissant des travaux des abords de la Cathédrale, puisque les collectivités locales- elles- sont autorisées à récupérer 80 %de la TVA lorsqu’elles engagent des travaux.
Cerise sur le gâteau, un examen attentif des comptes nous apprend que la TVA constitue le premier poste de dépenses de la reconstruction de l’édifice, soit plus que le poste « sécurisation » (151 millions) ou le remplacement de la charpente (45 millions). Ainsi le propriétaire de Notre-Dame- l’Etat -va gagner de l’argent sur ce sinistre au grand dam des organismes collecteurs des 850 millions d’euros de dons qui, après avoir réussi à convaincre une députée Renaissance de porter un amendement permettant la récupération de la TVA, ont dû se rendre à l’évidence. Il a été retoqué sur le principe de droit que les parlementaires ne peuvent pas créer de dépenses supplémentaires qui ne soient pas gagées par l’Etat. Espérons seulement que ces 170 millions d’euros ne serviront pas à financer l’installation de migrants dans la France profonde ou à aider des associations musulmanes « culturelles » à bénéficier d’une partie de cette manne.
Quoiqu’il en soit et malgré l’inadmissible attitude présidentielle, le saisissement qui a frappé les Français au moment de l’incendie et la mobilisation toujours intense quatre ans après, montre à quel point les cathédrales son fondatrices de notre identité. Comme l’écrivit en son temps Anatole France , « Notre-Dame, elle est lourde comme un éléphant et fine comme un insecte. La lune grimpe sur elle et la regarde avec une malice de singe ».
Françoise MONESTIER