En cette période d’Épiphanie prolongée, où l’on déguste encore quelques galettes savoureuses et où l’on tire les Rois (« Vive Dieu roi de France, vive le roi lieutenant du Christ » selon le slogan de la CRC de l’abbé Georges de Nantes), il est impératif de péleriner et de se rendre à Reims. Pour le plaisir, pour se ressourcer, pour prier, pour prendre l’air, se divertir, se souvenir et gourmander… La morne et si vaste plaine champenoise, littéralement lunaire, qui l’entoure est toute garnie d’éoliennes, stupéfiantes par leur nombre, tournant sans trêve ni repos, donnant à ce plat pays un peu de relief et de reflets changeants.
J’ai eu raison, je suis revenu dans cette ville au loin perdue, où j’ai fini mon adolescence… J’ai eu raison, j’ai voulu revoir le coteau où glissait le soir, bleu et gris, ombres de silence… Et j’ai retrouvé comme avant, longtemps après le coteau, un jardin, une nuit, le bruit d’eau de la Vesle qui court et qui s’éloigne comme chantait Barbara. S’il pleut sur Nantes et je m’en souviens, il vente sur le pays des Rèmes (Remi en latin, leur nom « les premiers ») et de saint Remi, plus souvent qu’à son tour. Ce dernier est passé à la postérité en ayant sacré roi Clovis autour de ses trois milles guerriers francs (pourtant peu amènes à la conversion), un vingt-cinq décembre pas si lointain. Et de prier ce triste jour de 21 janvier pour le repos et l’espérance de Louis. Le roi est mort… Vive le roi !
Tout est solaire à Reims, le tuffeau, le labyrinthe, nos rois ! Et l’orientation pile-poil de la place d’Erlon (nord-sud). C’est peut-être pour cela que nos monarques trouvaient leur force dans cette cathédrale orientée ouest-est depuis toute éternité. C’est aussi le moment et l’occasion de lire ou de relire « Sire » de l’ami Jean Raspail le flamboyant « speculator » (celui qui voit loin).
Accourez en voiture et garez-vous gratuitement sur les hauteurs (domaine Vranken-Pommery) pour contempler à la fois la cathédrale de loin et quelques espèces de châteaux insolites à la mode néo-Tudor, de près. Les marcheurs se rendront au centre-ville à pied (vingt minutes de descente et une heure à remonter !). Sinon garez-vous dans le parking souterrain Drouet d’Erlon (simple soldat de la Révolution devenu général, fait comte d’Empire par Napoléon, gouverneur général en Algérie et élevé à la dignité de maréchal de France). Le tarif de parking est raisonnable (50 centimes de l’heure). Aux caisses de ce parking, n’oubliez pas de récupérer un plan de la cité (gratuit et publié par l’association des commerçants du centre-ville) qui vous sera bien utile. Au sortir de l’antre, un gentil hôtel*** à petit prix vous offrira le calme de ses chambres fort charmantes. On y accède par une sorte de tunnel garni de mosaïques qui donne sur une cour tranquille. Il faut grimper ensuite un doyen escalier, franchir une double porte battante et branlante d’ancienne facture. L’ascenseur est en bois, en osier et grilles de fer attenantes, qui datent d’Otis-Pifre & Roux-Combaluzier. L’eau chaude et même bouillante est disponible le soir, très peu le matin dans la salle de bain, tenez-vous le pour dit !
Si vous arrivez par le train, vous sortirez de la gare et serez éblouis de la lumière qui ennoblit cette fameuse place d’Erlon. Deux grandes et somptueuses bâtisses forment les éléments de cette porte de la ville — anciennes banques devenues restaurants de luxe ; à droite, « Le Continental », à gauche « L’Excelsior »). Reims, c’est la place royale, c’est la cathédrale reconnaissable entre toutes, mais la petite église Saint-Jacques est la plus ancienne, et c’est pour moi un vrai lieu où murmure l’esprit ! Pax Christi ! Vexilla Regis prodeunt !
Franck Nicolle