Bien sûr ce n’est pas la Seine, ce n’est pas le bois de Vincennes, mais dieu que les roses sont belles… à Gottingen, où je ne me suis jamais rendu, mais dans les jardins de l’Anjou, c’est sûr! Parc de Maulévrier, jardins du château de Gastines, du château du Martreil, du château de la Montchevalleraie, du château de Lathan, potager du château Colbert ou du manoir de Châtelaison, du château du Pin ou the last but not the least, le parc du château de Brissac, dans mon cœur pensif… On aura repéré ici la référence d’introduction chantante à la cantatrice pas chauve Barbara. Mais s’il pleut sur Nantes, c’est parce que c’est dans cette ville bretonne, non bretonnante, a été fusillé le 29 mars 1796, à trente-trois ans, monsieur de Charette, généralissime de la grande Armée Catholique et Royale. Chevalier du roi, écrivait Michel de Saint-Pierre.
Si les cités de Nantes, Chalonnes-sur-Loire et même au fond, Vincennes (où dans la nuit du 20 au 21 mars 1804, à deux heures du matin, le duc d’Enghien, Louis-Antoine-Henri de Bourbon-Condé, à trente-deux ans, fut pareillement passé par les armes dans les fossés du château) ne sont pas en Vendée, elles demeurent pour nous tous, à jamais, La Vendée en armes — référence gardée envers Jean-François Chiappe). Napoléon disait de l’épopée contre-révolutionnaire que c’était « la guerre des géants ». L’empereur, sur lequel Jacques Bainville a produit une biographie prenante, n’avait pas voulu rencontrer la veuve de monsieur Henri de La Rochejaquelein, apprenant qu’elle s’était remariée. Il professait qu’avec un nom comme celui-là, il fallait rester fidèle. Chapeau, et même bicorne !
Mais revenons à Chalonnes. Mon jeune labrador aimait baguenauder dans les ruelles de ce village tranquille, gratter le sable des plages du grand fleuve, afin d’y découvrir ses propres trésors, sous le ciel si extatique et lumineux de Loire. Il y avait des barques à fond plat échouées ici et là, accrochées à des ancres inutiles en été (le fleuve est si bas parfois que son lit parait démesuré). Un restaurant très bien noté dans le Guide Michelin s’appelait La boule d’or. Revendu, cette échoppe s’appelle de nos jours Le Bon Bec (4 rue Las Cases), vous m’en direz des nouvelles ! L’église du XIIIème siècle, St-Maurille, veille encore sur les reflets changeants de l’eau sous le ciel de Dieu, roi de France. Au loin, en amont et en aval, les gigantesques passerelles de fer et d’acier suspendus, possèdent leur charme pontife et même pontifical, bravant le fleuve à travers la brume printanière matinale ou les brouillards profonds hivernaux pleins de nuit et de danger.
J’écris cette chronique le 18 mars de très bon matin. Ce jour-là, à cette heure, en 1795, les Vendéens de la division de Chemillé attaquent la ville de Chalonnes. Ils en sont chassés et la ville est incendiée par les Colonnes infernales. Il ne restait que pierres sur cendres. Oradour avant l’heure, sans que les bonnes âmes d’ici-bas s’en soucient, blâment ou protestent.
Les Blancs auront eu leur revanche aujourd’hui, le 25 mars (1796), de l’autre côté du fleuve lors du combat de la Croix-Couverte. Les chouans sont commandés par Louis d’Andigné, adjudant-général de l’Armée catholique et royale du Maine, d’Anjou et de la Haute-Bretagne qui nous a livré ainsi ses mémoires : « Tout fut à merveille. La colonne républicaine que nous guettions devait se rendre de bonne heure à Candé. Nous partîmes longtemps avant le jour, et nous allâmes nous embusquer, sur le bord d’une lande connue sous le nom de lande de la Croix-Couverte. Il était huit heures du matin, lorsque cette colonne parut; elle se composait de trois cents hommes, chasseurs belges dont une grande partie étaient armés de carabines à deux coups. Ils ne se dirigèrent pas précisément sur le point où nous les attendions, ce qui en sauva une grande partie car, au lieu de nous aborder par le centre, leur avant-garde se porta sur notre aile droite. Comme ils étaient entièrement à découvert et que nous étions embusqués, ils avaient une soixantaine d’hommes tués ou blessés avant de nous avoir aperçus. Aussitôt la première décharge faite, nous courûmes dessus en jetant de grands cris. Chacun de nous formait sa colonne ainsi dispersés, nous présentions peu de surface; eux, au contraire, qui étaient en colonne serrée, se trouvaient bien plus exposés à nos coups. La stupeur que leur causa cette brusque attaque les fit rester un instant immobiles; ils se retirèrent ensuite lentement, et bientôt ils s’enfuirent aussi vite qu’ils pouvaient aller. Nous les poursuivîmes une heure et en tuâmes les deux tiers; la crainte des autres colonnes nous força d’abandonner le reste. De notre côté, nous perdîmes deux hommes, dont un nommé Girault, très brave officier que j’avais amené d’Angleterre, et que je regrettai beaucoup. »
En France, tout commence et finit par des chansons, comme dans Le mariage de Figaro… ce papier est à l’identique et vous invite à découvrir ou redécouvrir Tri Yann (Les trois Jean de Nantes) qui ont interprété admirablement « Galvadeg en tri kant mil soudard » (la levée de 300 000 hommes pour combattre sur le front de l’Est), Jean-François Michaël (auteur, compositeur et interprète à qui nous devons « Adieu jolie Candy », mais aussi « Chouans, en avant ! »), Catherine Garret qui chante la Vendée militaire sur youtube.com ou Anne Bernet qui nous éclaire en substance de son ton cristallin et fleudelysé : « Jamais ne se taira l’appel des hiboux et leur cri désormais vous parlera de nous, et vous pouvez tuer, acheter et soumettre, hantés d’ululements… VOUS NE SEREZ JAMAIS NOS MAITRES ! »
Franck Nicolle