En célébrant la fête de Pâques, les Chrétiens commémorent la résurrection du Christ après sa mort sur la croix. Sur le plan symbolique, cet événement s’inscrit pleinement dans les Saintes écritures en ce sens que l’Ancien testament avait « annoncé » la Passion du Messie, mais aussi en ce sens qu’en ressuscitant, le Christ n’a pas seulement triomphé de la mort et des forces du mal, il a également réalisé la Rédemption, c’est-à-dire la réconciliation de l’homme avec son Créateur après le péché originel.
La chrétienté a inspiré nombre d’œuvres destinées à illustrer les événements de la Passion et la Résurrection. Il s’agissait d’édifier les fidèles en même temps que d’offrir un support à la méditation des croyants. Si la période de la Renaissance a puisé une partie de son inspiration dans l’Antiquité, elle a aussi mis les nouveaux procédés artistiques au service de la vraie foi.
Ainsi, le peintre vénitien Tiziano Vecellio, ou Tiziano Vecelli ou encore Tiziano da Cador, mieux connu sous le nom francisé du Titien, connu comme un des plus talentueux portraitistes de la Renaissance, a réalisé entre 1542 et 1544 une résurrection commandée par la Confraternité du Corpus Domini d’Urbino. A l’origine, cette commande était destinée à une bannière de procession dont l’autre face représentait la dernière cènei. Selon une autre source, il s’agirait d’une commande de Charles Quint destinée au monastère de Yuste où l’Empereur s’était retiré, puis finalement acquise par Philippe IIii.
Ce tableau de 163 x 104 cm met en évidence la maîtrise technique à laquelle le Titien était parvenu en matière de clair-obscur, ce procédé qui permettait de jouer des contrastes entre les ombres et la lumière pour accentuer le réalisme de la scène représentée et mettre en évidence le message porté par le tableau en opposant les parties « illuminées » à celles rejetées dans l’obscurité.
L’œuvre offre un double niveau de lecture. Le point central est figuré par le Christ s’élevant hors du tombeau et représenté au centre dans la partie supérieure du tableau. Sur fond d’aube naissante, le Christ adopte une posture un peu hiératique au déhanchement caractéristique de certaines statues antiques. Bien que le vent agite le linge qui le couvre, le corps et le visage du Sauveur affichent une grande tranquillité, et sa divinité est affirmée par trois rais lumineux autour de la tête. De la main gauche, le Christ porte une oriflamme blanche frappée d’une croix écarlate qui marque le triomphe de Dieu.
Le second niveau de lecture se situe dans la partie inférieure du tableau. Ici, la clarté de la résurrection éclaire imparfaitement les quatre personnages des soldats gardant le sépulcre. Au premier plan, presque au centre, un garde est plongé dans le sommeil, demeurant aveugle devant le miracle qui s’accomplit. Un autre s’éveille en cachant ses yeux de la main, comme si la lumière divine l’éblouissait de manière insoutenable. Les deux autres, situés aux extrémités droite et gauche du tableau, présentent des postures agitées et ne peuvent utiliser leurs armes. Le sens de la scène est clair : le Christ, ressuscité, triomphe de ses ennemis aveugles ou impuissants. On observe que le bouclier d’un des soldats porte l’aigle bicéphale du Saint Empire Romain Germanique. Il se peut que le Titien ait souhaité ainsi identifier le commanditaire du tableau.
André Murawski
i https://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/titien/resurrection.htm
ii https://kuadros.com/fr-fr/products/la-resurrection-20