Jeanne d'Arc

Rendez-nous Jeanne d’Arc !

Si, en ce 1er mai, Marion Maréchal a tenu à se rendre à Domrémy-la-Pucelle, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont, de Perpignan, occulté la Sainte de la Patrie. Simple oubli ou volonté délibérée de se débarrasser une fois pour toutes des « oripeaux de l’extrême droite » pour s’inscrire dans la (post)modernité ?

Une héroïne si moderne et si transgressive

Pourtant, à l’heure de me#too et des revendications féministes sur la parité et l’égalité des sexes, à l’heure où les médias célèbrent à l’envi les pasionarias les plus exotiques, rien de plus « moderne », rien de plus transgressif que Jeanne d’Arc qui, pour œuvrer au rétablissement dans un pays occupé de ce qu’on appelle désormais la souveraineté nationale, quitte à dix-sept ans sa lointaine Lorraine pour parvenir en mars 1429 et non sans mal dans le Berry, s’impose à Charles VII, le « petit roi de Bourges » déshérité par le honteux traité de Troyes, et à ses capitaines, les convainc de la possibilité de « bouter les Godons hors de France », prend leur tête et les mène à la victoire dans plusieurs batailles mémorables. Avant, capturée en1430 à Compiègne par les Bourguignons qui la vendent à prix d’or aux Anglais, d’être transférée et jugée pour hérésie (!) à Rouen où elle finira brûlée vive le 30 mai 1431. Victime de l’acharnement de son procureur et juge, l’évêque Cauchon « collabo » des Anglais, au terme d’un procès inique (1) — dont le délibéré sera annulé en 1456 par le pape Calixte III.

N’importe, cette « femme admirable, qui a marqué au fer rouge le cœur des Français » (2) a accompli son fabuleux destin. C’est elle, jouvencelle illettrée mais charismatique et littéralement inspirée qui, par son exemple, sa vaillance, sa foi invincible dans la mission assignée par Dieu à « Madame la France », a gagné la partie. Elle a su réveiller non seulement des troupes et des capitaines démobilisés par tant de défaites, mais aussi la population. Malgré le scepticisme initial, elle a su insuffler à l’armée la force nécessaire pour, en quelques mois, réussir le siège réputé impossible d’Orléans, remporter les batailles de Jargeau, de Meung-sur-Loire, de Beaugency et surtout de Patay, celle-ci ouvrant la route de Reims où Jeanne a convaincu Charles VII de se faire sacrer, le 17 juillet 1429.

Le processus de reconquête est enclenché. Commencé en 1337, l’interminable conflit franco-anglais s’achèvera en 1453 — l’année, soit dit en passant, de la chute de Constantinople. Pendant que la France renaît, l’Empire romain d’Orient s’effondre, au profit de l’Empire ottoman qui fera trembler l’Europe des siècles durant. Voilà qui devrait nous faire réfléchir.

La non-transmission de notre passé, une faute majeure

Le souvenir de cette si brève chevauchée fantastique, que Jean-Marie Le Pen rappelait religieusement depuis 1988 chaque 1er mai, « fête de Jeanne d’Arc et du travail », a été abandonné en 2015. Dommage, car c’était le moyen de rappeler à nos compatriotes tout à la fois combien l’existence de la France est fragile et sans cesse menacée, et combien est vitale la vertu d’espérance mise au service d’une ferme volonté. Charles Péguy l’avait bien compris, qui consacra quelques-uns de ses plus beaux textes à la Pucelle, aussi connue que Napoléon dans le monde entier — voir le nombre astronomique de livres et de films consacrés à sa geste dans les deux hémisphères.

Pour un parti national, le désir de se dédiaboliser, fût-ce au risque de se banaliser, n’est pas un crime. En revanche, la non-transmission (si reprochée, à juste titre, au président Macron comme à ses prédécesseurs) des valeurs et des exemples qui nous ont permis de survivre est une faute majeure. Même « montés sur les épaules des géants », les nains que nous sommes ne tiennent pas très longtemps s’ils s’affranchissent des leçons —et des miracles — du passé.

Les dirigeants et les élus du Rassemblement national s’honoreraient de déposer une gerbe devant les statues de Jeanne le 30 mai prochain, 593ème anniversaire de son martyre.

Camille Galic

(1) Incarcéré au bagne de Clairvaux après sa condamnation à mort à la Libération, Pierre-Antoine Cousteau, ancien rédacteur en chef de Je suis partout, écrivit une pièce de théâtre, Jehanne au trou, où, face à ses juges, cette fille du peuple, robuste paysanne pleine de foi mais aussi de bon sens, apparaît profondément humaine face à ses tortionnaires mitrés. Pièce publiée à titre posthume en 2023 aux éditions Livr’Arbitres.

(2) Cf. Erik Lhomme dans son livre Les Murmures du ciel ou quand revient Jeanne (éd. Héloïse d’Ormesson, 2024).

NE PAS OUBLIER

(3 commentaires)

  1. Petite rectification. Jordan Bardella dans son discours à fait référence à Sainte Jeanne d’Arc.

  2. Dans leurs discours de Perpignan ce dimanche. Marine le Pen et Jordan Bardella ont évoqué Jeanne d’Arc. Bardella a notamment déclaré “il y a 600 ans une humble fille de France s’est levée. Cette humble fille de France s’appelait Jeanne. L’une des plus belles figures de notre Histoire.” C’est sûrement insuffisant mais je tenais à le rappeler.

  3. Dans ma jeunesse, comme instituteur dans une petite ville de Suisse, j’ai raconté l’histoire de Jeanne à mes élèves de 10 à 11 ans. Ce fut le plus grand succès de tous les thèmes historiques évoqués. Jeanne d’Arc est donc bien une figure de référence universelle, qui restera toujours actuelle, Elle l’est d’ailleurs particulièrement maintenant.

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