La classe politique est quasi unanime à s’offusquer après la proposition de loi de La France Insoumise visant à abroger le délit d’apologie du terrorisme dans le code pénal… et malheur à celui ou celle qui ne s’indignerait pas d’une telle proposition jugée « ignoble (…) innommable » (Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur), « résolument contre » (Didier Migaud, Garde des Sceaux), « proposition de loi de la honte » (Éric Ciotti, député), « insulte à toutes les victimes du terrorisme » (Othman Nasrou, secrétaire d’État), pour ne citer que les qualificatifs les plus aimables.
Au-delà de ce tohu-bohu médiatique qui finalement sert bien les intérêts d’une classe politique soucieuse de faire oublier d’autres préoccupations moins morales, mais plus inquiétantes telles l’appauvrissement des classes moyennes, l’augmentation de la précarité des plus démunis, l’explosion de l’insécurité sur fond de cartellisation des trafics de stupéfiants (liste non-exhaustive), on ne peut que reconnaître aux rédacteurs de cette proposition de loi qui sera défendue par le député LFI Ugo Bernalicis, un sens certain de la communication… réussie.
Sur la forme, tout d’abord, le message envoyé à leurs électeurs ne leur déplaira nullement, loin s’en faut… Entre ceux de gauche extrême communiant dans le culte de leurs « grands anciens » (de la française Action Directe aux italiennes Brigades rouges en passant par la teutonne Bande à Baader) et ceux naturalisés de plus ou mois fraîche date et modérément indifférents aux quelques 30 à 40 000 morts (selon les diverses estimations) dans la bande de Gaza depuis l’offensive israélienne en 2023…
Pour ces Français-là, ces électeurs-là, il est certain que le terme de « terrorisme » n’a pas la même signification que pour bien d’autres Français pour qui la proposition de Loi insoumise est interprétée comme un futur blanc-seing pour vanter les mérites de tout bandit, trafiquant, violeur, assassin, escroc et autres catégories de population guère appréciée…
Mais sur le fond, cette proposition de loi est-elle vraiment scandaleuse, sachant que des esprits chagrins feront remarquer que le qualificatif de « terrorisme » a de tout temps été une variable d’ajustement de la propagande de guerre selon qui gagne ou perd une guerre ?
Les exemples ne manquent pas dans l’histoire… Sans remonter à la préhistoire du terrorisme avec la secte des Zélotes (ou Sicaires) qui, au Ier siècle, se rebella en Palestine contre l’occupation romaine ou encore la secte ismaélienne des Assassins qui, à partir du XIe siècle sema la terreur, citons parmi les plus récents exemples ceux des Résistants français durant la IIe Guerre mondiale, appelés « terroristes » par les autorités françaises de l’époque tout autant que par les troupes d’occupation allemandes, puis les membres de l’OAS, partisans de l’Algérie Française et les Fellaghas, partisans de l’indépendance de ce pays, considérés les uns comme les autres comme « terroristes » sous la IVe République française…
Et n’oublions pas Maximilien Robespierre, un des principaux instigateurs de « La Terreur » durant la Révolution française (35 000 à 40 000 guillotinés, fusillés ou morts dans les prisons, ainsi que les dizaines de milliers de morts lors des massacres en Vendée) dont nombre d’avenues, boulevards, rues ou squares portent aujourd’hui le nom en France.
Mais le cas le plus emblématique, sinon célèbre, reste sans doute celui de l’Africain Nelson Mandela, futur Prix Nobel de la paix en 1993 : «Des années 80 et la présidence de Ronald Reagan jusqu’à 2008, l’ancien président [de l’Afrique du sud de 1944 à 1999] figurait ainsi sur la liste des terroristes, établie par les États-Unis. En cause : son parti, l’ANC, le Congrès national africain, était considéré par les autorités américaines comme une organisation terroriste, en raison de son engagement contre l’apartheid » (article du Monde en décembre 2013).
Alors, « ignoble », « innommable », « proposition de loi de la honte », « insulte à toutes les victimes du terrorisme », la proposition de loi LFiste ? Aujourd’hui, peut-être et pour certains Français seulement… mais demain ?
Souvent terrorisme varie, bien fol est qui s’y fie…
Philippe Randa