La nomination de Pap Ndiaye à la tête de l’éducation nationale a fait couler beaucoup d’encre. Pas du fait de ses origines – les liens de la France avec le Sénégal ne datent pas d’hier, et notre reconnaissance à l’égard des tirailleurs sénégalais est considérable -. Pas à cause de sa formation à Normale Sup – cette école supérieure de déformation nous a aussi donné Brasillach et Bardèche -. Pas en raison de ses idées de gauche – d’autres ministres classés socialistes ne s’en sont pas trop mal sortis (Chevènement, Allègre…).
Non, à cause de quelques déclarations qui resteront à jamais gravées dans le marbre de l’ignominie. Par exemple : « Être woke, c’est être conscientisé, vigilant, engagé ». Il a d’ailleurs déclaré « partager la plupart des causes » du wokisme. Ou encore sur l’islamo-gauchisme : « Ce terme ne désigne aucune réalité dans l’université, c’est plutôt une manière de stigmatiser des courants de recherche ». Mais le pompon, c’est cette prise de position anti-police, qui ne date que de 2020 : « l’attitude de déni sur les violences policières en France est classique, et depuis longtemps ». Il aurait pu la signer ACAB (All cops are bastards -tous les flics sont des bâtards-, slogan « antifa »). Au moins les choses auraient été parfaitement claires.
Si je vous parle de Pap Ndiaye, c’est parce que je veux évoquer aujourd’hui Abel Bonnard, qui fut aussi ministre de l’éducation nationale, de 1942 à 1944, et qui était l’exact opposé de notre actuel ministre. Bonnard était subtil, cultivé, académicien, maurrassien, et surtout conscient de l’importance de sa fonction.
L’ouvrage Berlin, Hitler et moi, paru cet été chez Kontre Kulture, n’est évidemment pas un manuel scolaire, ni même un traité d’éducation, mais un recueil d’articles politiques ou géopolitiques, écrits entre 1937 et 1943, publiés dans la foulée en plaquettes, pour certains d’entre eux, ils avaient été repris en un seul volume, en 1987, mais étaient introuvables.
L’intérêt du recueil, est essentiellement historique. Il montre l’évolution de la pensée de cet écrivain conservateur, de grande culture classique, qui, ébloui comme tant d’autres par cette virilité venue de régimes autoritaires, rejoint le PPF et va épouser la cause de l’Occupant, ce qui lui vaudra une condamnation à mort par contumace (il eut la présence d’esprit de se réfugier en Espagne, où il mourut discrètement en 1968).
Peu d’ouvrages de Bonnard lui ont survécu. De ce fait il n’est plus guère lu. Il est d’ailleurs rarement cité parmi les « maudits ». Mais il faut reconnaître aussi que l’essentiel de son œuvre écrite n’a rien de politique. Ce recueil, Berlin, Hitler et moi (un titre qui n’était certainement pas de lui) fait donc exception. Ce proche de Marcel Proust écrivait une poésie à lire « à l’ombre des jeunes filles en fleurs ». C’est peut-être pour cela que je l’apprécie davantage que les rosseries d’un Rebatet ou d’un Céline, qui me troublent toujours un peu. Il a trouvé un défenseur inconditionnel et efficace, en la personne du publiciste Olivier Mathieu, qui a rédigé une bonne biographie de lui, qui veille avec attention sur sa fiche wikipedia, et qui a ainsi contribué à ce qu’il ne soit pas totalement oublié. C’est une très bonne action. Qu’il en soit remercié ici.
Madeleine Cruz
Berlin, Hitler et moi, par Abel Bonnard, Kontre Kulture, juillet 2022, 152 p.