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Drôle de putsch et très étrange paix des braves en Russie

Les meilleurs spécialistes de la Russie poutinienne s’en arrachent les cheveux. Pourquoi le richissime Evgueni Prigojine, défiant Vladimir Poutine, a-t-il lancé le 23 juin à 21 heures sa redoutable milice Wagner à l’assaut de Rostov sur-le Don, QG du commandement militaire russe (qui n’a pas résisté, non plus que les troupes régulières) pour la Russie méridionale et donc épicentre des opérations contre l’Ukraine ?

Pourquoi a-t-il mis ensuite le cap sur Moscou, où il avait annoncé publiquement vouloir obtenir les têtes du ministre de la Défense Sergueï Choïgou et du général en chef Valeri Guerassimov dont il flétrissait depuis des mois l’incompétence face aux Ukrainiens ?

Pourquoi a-t-il finalement décidé de stopper le 24 juin à 16 heures la folle cavalcade de Wagner qui, après des « actions de combat » à Voronej, se trouvait à 200 kilomètres de la capitale, en expliquant que son entretien avec le président bélarusse Loukachenko, jouant au médiateur, l’avait convaincu de mettre fin à l’aventure ?

Pourquoi, surtout, faisant preuve d’une mansuétude surprenante dans la Russie post-tsariste — surtout en temps de guerre —, Vladimir Poutine qui naguère voulait « poursuivre jusque dans les chiottes » les terroristes tchétchènes pourtant bien moins dangereux pour la Russie et le Kremlin, mais souhaitait cette fois « éviter un bain de sang », a-t-il aussitôt accordé son pardon à Prigojine ? À condition qu’il se retire à Minsk et y reste tranquille, la même clémence s’étendant aux mercenaires mutins également dispensés « de toute sanction pénale compte tenu de leurs mérites au front » ukrainien, que « personne ne persécutera » et qui pourront même, « s’ils le souhaitent, signer des contrats avec le ministère de la Défense » comme l’a immédiatement promis Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin. On n’est pas plus accommodant.

Moscou ébranlée, Moscou fragilisée, Moscou humiliée

En moins d’une journée s’est ainsi finita la commedia. En avril 1961 à Alger, même le putsch des généraux (Salan, Challe, Zeller, Jouhaud) voulant garder l’Algérie française contre de Gaulle bien décidé à la brader avait duré plus longtemps avant de s’achever par l’arrestation ou l’exil des « félons », la dissolution du 1er REP et d’autres unités et l’emprisonnement pour de longues années de leurs cadres rebelles. La logique politique et militaire était du moins au rendez-vous, alors qu’en Russie, tous les événements auxquels vient d’assister le monde frappé de stupeur sont, ou semblent, incompréhensibles.

Certes, le président russe et celui qu’il traitait un jour plus tôt de « renégat » et vouait solennellement aux gémonies seraient des amis de trente ans, mais l’amitié résiste rarement à de telles trahisons — on l’avait vu en 1994 avec Edouard Balladur se déclarant candidat à la présidentielle contre son intime Jacques Chirac et encore n’est-ce qu’un homme qui était alors trahi, et non pas la patrie, que Prigojine a mise en danger.

Certes, pendant ces trois décennies d’étroites relations, l’ancien taulard Evgueni Viktorovitch a pu être dépositaire de secrets, a pu connaître de faits inavouables dont la révélation serait fatale à Vladimir Vladimirovitch.

Certes, ce dernier a encore besoin de Wagner pour étendre en Afrique son influence — aux dépens de la nôtre — et s’emparer ainsi de métaux stratégiques aussi rares que coûteux tout en se conciliant de solides appuis à l’ONU. Mais, plus qu’à une paix des braves, l’issue de ce psychodrame ressemble furieusement à un armistice entre capi mafiosi.

Et, surtout, elle risque de porter un coup fatal au prestige du président russe, et par voie de conséquence à son régime et à la nation, dont la crédibilité risquent d’être durablement ébranlée, y compris dans le Donbass et en Crimée, où les malheureuses populations russophones déjà si éprouvées doivent être déboussolées, de même que les troupes régulières russes, par les derniers événements.

L’Ukraine, dont les chefs militaires et politiques, en commençant par Volodymyr Zelensky, d’ailleurs tout aussi mafieux, se réjouissent que « la mutinerie armée du groupe Wagner illustre la faiblesse et la fragilité de la Russie, pays plongé dans le mal et le chaos », en profitera-t-elle pour mener à bien sa contre-offensive, sans cesse ajournée et jusqu’ici plutôt poussive ? À l’heure actuelle, Kiev apparaît comme la principale, voire la seule bénéficiaire du coup d’État avorté. À qui profite le crime ?

Camille Galic

(3 commentaires)

  1. S
    Et si c’était un montage du FSB (aux ordres de Poutine) afin que se dévoilent des élites décidées à abattre Poutine?

  2. Coup d’échec de Poutine : les Wagner n’auraient jamais pu résister à l’armée russe (en plus sans carburant): ‘donc c’est une diversion qui rappproche les Wagner de Kiev (positionnés en Biélorussie) et cache la préparation de la contre offensive russe déjà lancée sur Kharkov..

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