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Les bouquinistes sacrifiés aux J.O

A l’évidence, certains bouquinistes ne sont que des boutiquiers se contentant de proposer aux chalands des affiches éculées, des tours Eiffel et autres « articles de Paris » made in China. Mais la plupart ont l’amour des livres chevillé au corps et leur présence quadri-séculaire est indissociable de toute promenade sur les quais de Seine, dont ils n’occupent d’ailleurs qu’un kilomètre.

Cependant, sous prétexte de « sécurité » pendant les Jeux Olympiques qui s’ouvriront le 26 juillet 2024 par une parade, qu’on nous promet unique et mémorable, sur le fleuve, préfecture et mairie de Paris s’entendent pour exiger leur fermeture, qui risque d’être définitive : outre que le métier est si difficile que la quasi-totalité des bouquinistes vivent au jour le jour, il est douteux en effet que leurs antiques « boites vertes », célèbres dans le monde entier, et autour desquelles tant d’amateurs français et étrangers se pressent — imitant ainsi François Mitterrand, dont c’était le passe-temps favori : autres temps autres mœurs — , résisteront à leur déscellement.

Ministre de la Culture reconduite dans le nouveau gouvernement, Mme Rima Abdul Malak s’était le 25 juin « alarmée » de de la non-parution du Journal du dimanche car, se désolait-elle, « mon rituel du dimanche, c’était de me réveiller avec le JDD ». Un JDD qui, avec Geoffroy Lejeune, catalogué d’extrême droite et bombardé à sa direction, allait rompre selon elle « avec les valeurs républicaines ».

Mme le ministre peut-elle nous expliquer en quoi la mise au rebut des boites vertes et la mise en danger d’une profession déjà frappée de précarisation au profit d’une parade largement publicitaire qui ne durera qu’une journée aideront à l’épanouissement et au rayonnement des valeurs républicaines qui lui sont si chères ? A moins que l’ambition suprême de cette spécialiste du « théâtre vivant » et des « arts de la rue » ne soit d’en finir avec les livres, ces vestiges de l’ancien monde incongrus dans la « Start-up nation », en globish dans le texte, que le jeune président Emmanuel Macron rêvait de substituer au cher et vieux pays.

Claude LORNE

(3 commentaires)

  1. Excellent, l’article sur les bouquinistes ! J’espère vraiment qu’ils ne vont pas supprimer ça. Toute ma jeunesse, n’ayant pas un sou en poche, je passais beaucoup de temps à parcourir ces boutiques parfois palpitantes !

  2. Non à l’enlèvement des boites vertes ! Citant Albert Camus selon lequel « Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude », une vingtaine de personnalités dont le philosophe Luc Ferry, ancien ministre de l’Education nationale, et Dominique Jamet, ancien président de la Grande Bibliothèque, demandent « instamment aux autorités compétentes en la matière, qu’elles soient administratives ou policières, de laisser les bouquinistes de Paris libres de pouvoir vendre en paix leurs livres, à leur traditionnel et séculaire emplacement, sans qu’ils aient à déménager de ces lieux aussi prestigieux qu’historiques, durant toute la période de ces jeux Olympiques de 2024 ». C’est là aussi, affirment-elles, « un enjeu, l’un des plus riches, nobles et sacrés qui soient, de civilisation face à la barbarie montante en ces temps déjà suffisamment troublés, y compris sur le plan politico-idéologique, par une croissante, inquiétante à bien des égards et parfois même agressive, inculture ».

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