Depuis 1972, je n’ai eu de cesse de lutter contre la restauration innomée du délit d’opinion et, plus encore contre l’instauration du délit de sentiment qui induit le retour de l’inquisition des consciences, avec les lois Pleven (1972) et Perben II (2004). Ces chefs-d’œuvre pervers de la droite institutionnelle française, approuvés par la gauche inspiratrice, ont même créé des délits de « haine », la République laïque devenant ainsi, en lieu et place de Dieu, Amour (avec un grand A, marque glaçante de l’abstraction théologique).
Fin de l’impartialité et de la neutralité axiologique du droit : un cas d’école
Dans ces lois et au-delà de ces délits d’opinion et de sentiment, qui relèvent traditionnellement du droit de la presse, se sont multipliés ad infinitum, des textes pour interdire en la provocation à la « haine » ou à la « discrimination » envers « une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ». Impressionnant énoncé où la libre discrimination, licence de la pensée et des sentiments intimes depuis la nuit des temps, a été réduite à la fortune, c’est-à-dire la chance ou la richesse (la haine de classe étant ainsi laissée intacte, ce qui en dit long, soit dit en passant, sur l’indifférence du capitalisme vis-à-vis d’elle).
Par exemple, voyez l’article L 212-1 du Code de la sécurité intérieure, qui permet la dissolution d’associations, on y retrouve l’antienne de morale anti-discriminatoire, suivie de ce propos « soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine … ». En d’autres termes, même si nous ne commettons pas un délit d’opinion ou de sentiment, il nous est interdit de propager une philosophie dissidente qui, par exemple, pourrait militer pour l’abrogation des lois anti-discriminatoires par des voies démocratiques.
Le texte de loi initial, du 10 janvier 1936 permettant la dissolution d’associations, ne visait que celles qui provoquaient des « manifestations armées dans la rue » ou avaient « le caractère de groupes de combat ou de milices privée . » Bien sûr nul ne demande à un gouvernement d’être impartial, encore faut-il, pour protéger son opposition un droit axiologiquement neutre (tant pis pour les marxistes qui pensent que tout est politique). Aussi cette impartialité était-elle de mise jadis, face aux exigences des Français pour bénéficier d’un vaste spectre de libertés publiques.
Cas ordinaire de dissolution totalitaire d’une association
Par décret du 7 février 2024, pris en conseil de ministres sur proposition de Gérald Darmanin ministre de l’Intérieur, qu’un George Orwell qualifierait de ici ministre de l’Amour, a été dissoute une association lilloise La Citadelle. Sachant que toutes les discriminations laborieusement énoncées par la loi sont chacune nécessaires et suffisantes pour permettre la dissolution, nous ne nous attacherons qu’à quelques aspects terrifiants de ce cas d’espèce ordinaire.
En effet, même si nous parvenons à éviter des condamnations pour délit d’opinion ou de sentiment déshonnêtei ainsi que les condamnations pour crimes ou délits peccamineux (c’est-à-dire d’intention, même intime et secrète, constitutif du péché contre l’égalitarisme) , le Système prétend au surplus nous interdire d’œuvrer dans le sens d’une modification de la loi et un retour aux libertés de pensée et d’expression et des licences de l’entre-soi.
La nouvelle inquisition veille et s’appuie sur la police, la justice et la délation (cf. droits conférés depuis 1972 à des associations de poursuivre qui pense mal, droits en augmentation constante). Le cas de La Citadelle est une illustration de cet égalitarisme irréfragable d’État et tout à fait dans l’esprit soviétique (tout cela enthousiasme évidemment les dirigeants du Parti communiste).
Ainsi l’un de ces reproches nécessaires et suffisants fait à La Citadelle est que cette association entretient « délibérément l’amalgame entre immigration et insécurité », ce qui est une opinion, au demeurant susceptible de s’appuyer sur des faits objectifs, même si la République est si peu sûre de sa doctrine qu’elle interdit les statistiques ethniques ;
Ainsi, autre reproche nécessaire et suffisant, fait à La Citadelle est d’avoir une « idéologie xénophobe et provoquant à la haine », alors qu’il s’agit, là encore, d’une opinion indépendamment des sentiments que celle-ci peut susciter (mais évidemment, la République est Amour et d’abord amour de l’étranger…) ;
Ainsi reproche-t-on également, toujours de façon nécessaire et suffisante, à cette association d’exprimer « à travers ses publications sur son compte Facebook, que les musulmans n’avaient rien à faire en Europe », ce qui est une opinion comme une autre (le petit père Combes ne jugeait-il pas que le catholicisme n’avait pas sa place dans le République?). Au demeurant, la diplomatie de la République s’accommode très bien dans ses relations avec l’Arabie séoudite, de ce que les chrétiens n’aient pas leur place sous la juridiction de cet Etat ;
Ainsi, reproche surnuméraire, toujours nécessaire et suffisant, La Citadelle entretenait des relations avec un mouvement de jeunesse nationaliste flamand, « qui appelle en particulier à lutter contre … les « théories du genres » … »
Inutile d’aller plus loin dans la lecture de ce texte, d’une lourdeur stylistique toute bureaucratique, qui rendrait bien vite sa critique indigeste…
Nous avons là une illustration de ce nouveau communisme couvert par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, qui triomphe après l’échec de l’URSS. Et pour cause, il ne remet pas en cause la Bourse. L’Idéologie est une et indivisible, aucune personne ni aucun groupe de personnes n’est autorisé à la contester ni même à refuser de la vivre. Tel est le prix du Salut par l’Amour.
Quant à Gérald Darmanin, il ne peut certes plus reprocher à Poutine la dissolution de Mémorial !
Eric Delcroix
iQualificatif qui s’impose en matière de mœurs.
Dans l’indifférence générale, ce gouvernement nous passe la muselière…. ça finira mal!