croque-monsieur

Le croque-monsieur : mémoire en défense !

Il serait bienvenu que l’on m’écoute un peu, et surtout que l’on m’entende ! Il est stipulé, noir sur blanc (si cette litote est permise par la police de la pensée) dans un numéro spécial du quotidien Présent (La cuisine, trésor identitaire) : « Comme le préconisait Mme Leprince-Longuet, le vrai croque-monsieur ne doit se faire rôtir qu’avec une pince pourvue à cet effet, en dépit du dictionnaire de l’Académie Française qui nous dit que c’est un mets composé de deux tranches de pain de mie entre lesquelles on a placé du jambon recouvert de fromage et que l’on passe au four. »

Cherchez la femme ! Elle a, comme Pampille Daudet, Françoise Bernard, Maïté, ou Mme Maigret, en cuisine, mille fois raison. Cette recette de bistrot parisien dont parle Marcel Proust dans ses Jeunes filles en fleurs (1919) ne saurait souffrir aucun changement, aucune audace prétendument revisitée ni aucune profanation (titre d’un livre de notre si chère Françoise Chard). Le croque-monsieur ne se cuit pas au four (il doit seulement y être réchauffé) et il est dénué de sauce béchamel.

Chef, un jour, chef toujours (une fourchette Michelin, noté 10/20 au Gault & Millau et membre du Collège Culinaire de France), je suis invité aujourd’hui à rejoindre une organisation douteuse. L’Association de défense du croque-monsieur me sollicite en faisant fausse route. Ses arguments sont ineptes : il ne peut exister de croque-monsieurs régionaux, se déclinant à l’infini selon les saisons et régions, comme elle le prétend. Et sa devise ne vaut pas mieux : « Le croquant contre le mou, Restaurateurs, rejoignez-nous ! » On dirait un slogan du CNIP, version Yvon Briant, député RN (mention légale déjà en 1986), ancien nageur de combat à Aspretto et félon qui louvoyait entre le FN et la droite demi-dure (« Contre les mous, contre les fous »).

Cette alliance de croquemitaines se prévaut du soutien officiel de Guillaume Gomez —qu’est-ce que c’est, qu’est-ce qu’il a, qui c’est celui-là, complètement toqué ce type-là. Renseignements pris, ce garçon qui a tout juste dix ans de moins que moi, mais qui fait dix ans de plus sur la photo Wikipédia, pas rasé, assis derrière un drapeau européen, a tout de même été Meilleur Ouvrier de France à l’âge de 25 ans, chapeau ! Ancien chef de l’Elysée sous Sarko, j’ai la vague impression qu’on lui a refilé un poste ad hoc, genre « ambassadeur de la gastronomie», une grosse daube qui va encore nous coûter une blinde. Pour preuve, l’association est sise au 50 de l’avenue des Champs-Élysées, l’une des adresses les plus chères de la capitale.

Comme disait Maître Isorni, Je hais ces impostures !

Franck Nicolle.

(4 commentaires)

  1. Oui, surtout pas de sauce béchamel. C’est absolument ignoble, ces plâtrées dégoulinantes dont sont maculés les croque-monsieurs dans certains bistros, mais la pratique me semble toutefois.en recul,
    Je note par ailleurs que Franck Nicolle est hostile par principe à une déclinaison des croques selon les régions.
    Mais j’espère qu’il tolère le croque-madame et le croque-poilane. Si ce n’était pas le cas, nous ne pourrions nous exprimer plus longtemps dans les mêmes médias.

    F.Bergeron

    1. Ami gourmet ! Les « croque-madame » et « croque-poilâne » sont des innovations. Mais le « croque-monsieur », une invention (au même titre par exemple que l’ordinateur personnel est une invention IBM et le Mac, une innovation développée par Apple).

      Bien sûr, tout est valable en cuisine. L’essentiel est que ce soit savoureux; mais les intitulés doivent garder, ce me semble, leur sens. Il ne saurait exister alors, de « croque-monsieur » au poulet, il s’agirait de toute autre chose. De même, qu’on ne met pas de merlu dans un « potage saint Germain » pas plus de thon dans une « quiche lorraine ». Pareillement la merguez se doit être absente de la « choucroute alsacienne » (mais elle demeure dans la « choucroute Mostaganem » chantée naguère aux fêtes des BBR par un certain Denoël, si ma mémoire est bonne). Le « croque-monsieur » ne peux donc ni être présenté hallal ni à l’alsacienne. On ne flambe pas un « canard à la rouennaise » au Ricard et jamais une « salade nissarte » ou un « pan bagna » de ce même pays ne doivent être compromis par la présence dans leurs recettes, de rallouf ou de krafeus… C’est aussi simple que ça !

      Pour ce qui est de la sauce béchamel; l’industrie alimentaire et les restaurateurs sans scrupules n’hésitent pas à en faire grand usage, afin de gagner du volume, du poids et bien sûr de la marge. Surtout si l’on pratique cette recette avec de la margarine et du lait coupé d’eau. Avec un litre de lait, on peut réaliser deux kilogramme de sauce qui garniront bien trente pièces. Le commerce est juteux ! Tandis que si l’on pratique le « croque-monsieur » à la pince, cela coûte cher en beurre et en temps (il faut vingt minutes montre en main pour en réaliser un seul et le cuire. Cadence : Trois à quatre par heure). Raison pour laquelle ce produit véritablement parisien est très rarement présenté sous cette forme.

      Quant aux « croque-madame », « croque-mademoiselle » et autre « croque-Poilâne », ils ressemblent fort à ce que l’on pratique dans les cantons suisse depuis toujours (« croûte au fromage » et « beignet de Vinzel »). C’est très bon, surtout avec du pain rassis trempé de blanc.

      A bientôt à vous et à tous, autour d’un bon camembert du Languedoc, d’une grosse bourriche d’huîtres de Bourgogne et d’un verre de saint émilion du pays vannetais ! Nous fêterons nos retrouvailles, pour une fête de « Présent » avec pour dessert un « croquenbouche » (« pièce montée pour cérémonies, faite de pâte à chou et autres sucreries croustillantes, gimblettes, macarons, nougats, qu’on juxtapose pour former un motif quelconque ». L’histoire à table. André Castelot. Perrin. 1972.

  2. Ne prenez surtout pas l’ami Frankie au mot avec ses bonnes huïtres de Bourgogne. Sauf quand il est aux fourneaux, ce sacré Normand galèje, comme on dit à Dunkerque.

  3. Compte tenu de ses explications rassurantes, je continuerai donc à lire sur le site de Présent Hebdo les recettes et les conseils avisés de Franck Nicolle en matière culinaire (littéraire et historiques, parfois aussi) !
    F.Be.

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