Septembre

Table d’hôtes : Septembre, tiens il automne !

Comme son nom l’indique, il s’agit du septième mois de l’ancien calendrier romain. C’est le mois où l’on récolte la graine, le mois des coings, des champignons, des colchiques dans les prés et de la rentrée scolaire… Si nous devons à André Castelot le remarquable dictionnaire gourmand qu’est L’Histoire à table, nous lui sommes également redevables d’un Almanach de l’Histoire tout aussi enjoué, plaisant et instructif, ouvrages édités tous deux par la Librairie académique Perrin.

Les riches mets des Richelieu

A sa suite, suivons Clio ! Au XVIIème et au XVIIIème siècles, on a pris l’habitude de nommer les plats des grands cuisiniers de l’époque du nom de leur employeur, comme l’explique Jean Vitaux, auteur des Petits plats de l’Histoire et du Dictionnaire du gastronome,édités aux PUF. Ainsi les préparations à la du Barry qui sont garnies de choux-fleurs et les bouchées à la Reine chères à Marie Leczinska, épouse de Louis XV, qui préférait le feuilleté individuel au vol au vent — dont Sacha Guitry disait, après une expérience malheureuse, « c’était du vol, il n’y avait que du vent !» Le mariage de Louis XV et de Marie, fille de l’ancien roi de Pologne Stanislas, eut lieu le 5 septembre1725. Les cités de Nancy (Place « Stan ») et de Lunéville (château dit « Versailles lorrain ») doivent aux époux royaux leur renommée. Les apprêts à la Bellevue se rapportent au château de Mme de Pompadour et le potage Saint-Germain (aux petits pois) au comte de Saint-Germain. Les garnitures à la Matignon (légumes coupés gros revenus au beurre), la purée Soubise (aux oignons) portent aussi le nom de grands seigneurs gastronomes mais c’est à une comédienne, éphémère maîtresse de Louis XIV, que l’on doit la côte de veau à la Champvallon.

Toutes ces recettes sont automnales et demeurent des valeurs sûres que les restaurateurs d’aujourd’hui devraient avec bonheur (re)présenter à la carte. Même des bas morceaux de veau, singés, sautés puis cuits lentement en cocote avec des oignons colorés et des pommes de terre émincés sont sublimes pour une recette à la Champvallon, merci mademoiselle ! Merci aussi à la reine Marie, pour ces feuilletages garnis d’un mélange de béchamel, de crème, de champignons (dont la Pologne regorge en cette saison et dont elle tire un fort commerce), de quenelles de veau ou de volaille et de dés de viandes blanche dont les Alsaciens sont si friands. A la cour de Lunéville, la reine a popularisé aussi le kouglof au tokay de Hongrie qui se pratique maintenant sous la forme de baba au rhum, ainsi que le nid d’abeille de son pays, vendu sous nos cieux sous le nom de tarte tropézienne.

C’est incroyable le nombre de recettes et de gourmandises dites à la Richelieu (cardinal et parentèle) : Foies gras Richelieu, filet de bœuf à la Richelieu, pâté en croûte à la Richelieu, boudin blanc Richelieu, dalles ou quenelles de veau à la Richelieu, sauce Richelieu… Et le Richelieu, imposante pièce de pâtisserie, constituée de plusieurs abaisses en pâte à biscuit aux amandes, parfumées au marasquin, masquées alternativement de marmelade d’abricot et de frangipane superposées, enfin glacé au fondant et décoré de fruits confits. Il aurait été inventé au XVIIIème siècle par le cuisinier du duc (tout est au duc, monsieur tout est au duc, chantait Charles Trenet). Franchement, toutes ces formules sont très bonnes et dignes d’être présentées, savourées, qui plus est ce mois-ci, tant il est vrai qu’un 5 septembre 1622, Richelieu fut élevé à la pourpre et qu’il deviendra premier des ministres un 24 septembre 1630.

Aux confins de la Touraine, du Poitou et de l‘Anjou, la ville neuve de Richelieu, fondée et commandée par lui, est le centre d’un pays appelé Richelais, pourquoi pas « riche-beau » ? Puisqu’on y cultive l’asperge, la truffe et qu’on y élève la succulente géline de Touraine, tout aussi rare et onéreuse que peuvent l’être les volailles du Bourbonnais.

Honneur aux pommes et au raisin

Nous accompagnerons ces trésors du fruit de la terre et du travail des hommes, en ce mois où l’on commence les vendanges, en Alsace, en Anjou, dans le Bordelais, la Vendée, la Champagne, la Provence, le Languedoc, le Roussillon, la Provence, le Jura, le Beaujolais, la Savoie, le Béarn, la Corse, la Champagne… boisson précieuse apportée d’Asie par les Argonautes, les compagnons d’Ulysse et appréciée par tous les peuples de l’Antiquité, Sumériens, Egyptiens, Grecs, Etrusques, Hébreux… et de Gaule dont le plus ancien vin est celui de Marseille, quand les Grecs de Phocée l’Asiatique créèrent une nouvelle colonie (et y implantèrent leurs ceps) qui s’étendit tout d’abord en Gaule narbonnaise.

En Bretagne, en Normandie , on récolte les pommes de reinette et pomme d’api ainsi que moultes variétés que l’on peut croquer de bon matin, pour le midi ou le souper, en dessert ou en apéritif . Manger une pomme en entrée prépare l’estomac et le protège de toutes les attaques acides alimentaires. Churchill, (dont se moquait le beau Léon, avec son accent wallon, assuré, fort, inimitable en disant qu’au fond c’était une vieille femme) a eu ce mot d’esprit : « Une pomme par jour éloigne le médecin, surtout si on vise bien. » La pomme peut être émincée puis séchée, pressée en jus, cuite au feu, compotée, participer à la préparation des tartes et des douillons (fruit en croûte doré au four dont le cœur est fourré). La gelée de pommes, riche en pectine naturelle, peut être ajoutée sereinement à la préparation d’autres confitures afin de favoriser la gélification.

Quand j’étais petit garçon, je repassais mes leçons en chantant (je le fais toujours et je suis toujours petit garçon) mais en me pinçant le nez devant les dépôts de moût olfactifs et putréfiés qui parsemaient les trottoirs de Rouen. A cette époque de nombreux citadins faisaient encore leur cidre avec leur récolte de pommes, un pressoir ambulant assurait la tâche, mais pas le service après-vente. C’était le temps, le temps, le temps et rien d’autre où j’ai croisé, devant la boutique Manufrance, rue Jehanne d’Arc, Lino Ventura qui tournait Adieu poulet. La pomme est pleine de promesses, nous invite au calvados dont il ne faut pas abuser (lire Boule de suif de monsieur Guy de Maupassant) mais dont il n’est pas nécessaire de se priver. N’en déplaise aux « réchauffistes », le fond de l’air est frais et les vendanges en Alsace se déroulent comme toujours depuis le 29 août pour ce qui est du crémant, tandis qu’on célèbre en Bavière la fête de la bière, sur la « Prairie de Thérèse », l’Oktoberfest, qui commence comme toujours le premier samedi de la deuxième quinzaine de septembre à midi exactement en souvenir du mariage du roi Louis 1er de Bavière avecque la princesse Therese Charlotte Luise Friederike Amalie von Sachsen-Hildburghausen, à vos souhaits !

Comme on dit en alsacien, Seje Sie herzlich wilkomme ! Joyeux séjour ! Et salü bisàmme…

Franck Nicolle

(2 commentaires)

  1. « Table d’hôtes » Mazette quel papier ! On en mangerait… Franck Nicolle, sorte de Lucullus et de Point, un maître sans parenthèses.

  2. Matin ! Quel compliment. J’ai bien fait d’acheter de nouvelles Doc Martens montantes (sans jambière attenante contrairement aux godillots réglementaires jadis en dotation dans l’armée française), sinon j’aurais les chevilles déglinguées. Merci camarade, ça donne du cœur à l’ouvrage. Et vive Les Lucullus, s’ils sont de Valenciennes, pardi .

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