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L’Etat mécène dans le viseur de la Cour des Comptes

Si nous avons ici critiqué la Cour quand elle se penche (si l’on peut dire…) sur les flatulences bovines, on peut, dans cette affaire des subventions à la musique, estimer qu’elle est dans son rôle. Sauf qu’elle ne peut rien contre ce qu’elle dénonce.

Quand l’argent va à l’argent.

Les aides à la création sont-elles justifiées quand elles soutiennent Juliette Armanet (vous la connaissez Juliette ?) à hauteur de 150.000 euros, celle- là même qui, pour exister, se croit obligée de critiquer avec mépris Sardou et sa chanson des lacs du Connemara, ou versent plus de 400.000 euros à la maison de disques de Johnny Hallyday depuis son décès (2017), alors que  chacun sait que notre Johnny reste un business très rentable? Selon un rapport de juin 2023 de la Cour des comptes, des centaines de milliers d’euros ont été versés à des artistes confirmés. En 2021, par exemple, Florent Pagny, plus de 35 ans de carrière, s’est vu gratifié de 271.000 euros. Bernard Lavilliers, près de 60 ans de carrière, et 120.000 euros d’aides à la création. Ou encore Benjamin Biolay qui a reçu 154.000 euros.

Il n’y a rien d’illégal dans ces attributions de financement, et l’on se souvient que, en juin 1665 la troupe de théâtre de Molière passa sous la tutelle directe de Louis XIV, qui la dota d’une pension de 6 000 livres annuelles, une pratique très française. Mais, pour la Cour des Comptes ces aides s’écartent de leur intention originelle. «Les dépenses consacrées à la création artistique ont vocation à favoriser la diversité musicale, les nouveaux talents et les projets innovants», avec quelques arrières- pensées clientélistes sans doute.

Le fric FRAC.

Encore le rapport ne fait-il pas mention des subventions des fonds régionaux, les FRAC fonds régionaux d’action culturelle) dont il m’a été donné, comme conseiller régional, de juger de l’invraisemblable accumulation « d’œuvres d’art » (peintures, sculptures…) toutes plus repoussantes les unes que les autres, parfaitement absconses, et que le public ne verra jamais, tant mieux pour lui.

Pour la chanson, on ne contestera, ni aux chanteurs, ni aux chansons leur caractère populaire, mais pas toutes. La question est double, la sécurité financière efface les artistes maudits qui furent de puissants créateurs, et favorise, soit la médiocrité, soit le discours politique et idéologique comme dans les cas de la dénommée Armanet  toujours à propos de Sardou:  «C’est le côté scout, sectaire, la musique est immonde (…) C’est de droite, rien ne va. C’est vraiment une chanson qui me dégoûte ». Jdanov avait inventé le réalisme socialiste dans la culture, en URSS, Armanet invente le dégoût subventionné. On aura noté que la mise à mort s’appuie sur le verdict «c’est de droite» tout est dit mais rien n’est pensé.

D’où vient l’argent ?

Les accros du smartphone savent-ils qu’ils financent ceux qui les méprisent? Tous les produits qui sont susceptibles de contenir de la musique sont ainsi frappés par des taxes, CD, DVD, disques durs externes, clefs USB, baladeurs MP3, en 2022. 300 millions de redevance de copie privée à partager avec les producteurs et les «artistes». A ces producteurs la Cour recommande de mieux reconsidérer la répartition en le faisant au bénéfice des «jeunes artistes», mais ce n’est qu’ une recommandation, elle n’y peut rien changer.

Imaginons maintenant Georges Brassens subventionné , lui qui ,jeune artiste, mangea de la vache enragée, toute son œuvre nous dit le contraire, écoutons -le :

Je vivais à l’écart de la place publique

Serein, contemplatif, ténébreux, bucolique

Refusant d’acquitter la rançon de la gloire

Sur mon brin de laurier je dormais comme un loir

Les gens de bon conseil ont su me faire comprendre

Qu’à l’homme de la rue, j’avais des comptes à rendre

Et que, sous peine de choir dans un oubli complet

J’devais mettre au grand jour tous mes petits secrets

Trompettes de la renommée

Vous êtes bien mal embouchées…

La suite étant plus leste je m’en tiendrai à ce premier couplet.

Mais, aujourd’hui Brassens basculerait dans le camp de l’infamie, toujours pas stipendié mais assurément objet de l’opprobre du camp du bien.

Olivier Pichon

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